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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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m’en occuper.
    — Vous a-t-on remarqué ?
    — Comment le saurais-je ? Interrogez les centaines de pékins qui foulaient le boulevard des Capucines !
    — Que faisiez-vous boulevard des Capucines ? C’est sur la rive droite, or, ici nous sommes rive gauche, à deux pas de votre librairie.
    — J’habite rue Fontaine.
    — Donc vous avez quitté la rue Fontaine à vélo, vous avez crevé et vous vous êtes présenté à la librairie en fin de matinée. Ensuite, vous avez couvert à pied la distance entre la rue des Saints-Pères et la cour de Rohan, quelle heure était-il ?
    — Je vous l’ai dit, onze heures, onze heures cinq, je ne vis pas suspendu à ma montre !
    — Et il vous a fallu deux heures pour venir à bout de votre pneu ? Je vous sens nerveux, monsieur Legris. La nervosité indique parfois qu’on a des reproches à se faire.
    — Vos déductions sont erronées, je m’excuse.
    — Qui s’excuse s’inculpe.
    — Je me tairai tant que le légiste et vos collègues ne se seront pas attelés à la tâche.
    — Courage, ils seront là d’un instant à l’autre, je suis persuadé que ce malentendu sera dissipé d’ici ce soir. Qu’y a-t-il dans la seconde pièce ?
    — C’est une cuisine qui sert également de salle à manger.
    — Je vais y jeter un coup d’œil. À tout de suite, monsieur Legris.
    Pendant que l’inspecteur Valmy furetait à la recherche d’un récipient et d’un robinet, Victor frôla, fripée au fond de sa poche, l’enveloppe cueillie sur le plancher. Il avait lu et relu au café le feuillet qu’elle renfermait, et les questions se bousculaient en lui. Pourquoi Alexandrine Piote s’était-elle déterminée à léguer ses biens à une vague relation commerciale ? Ce testament olographe suffirait-il à démontrer qu’elle s’était tuée ?
    Ceci est mon testament :
    Je soussignée Alexandrine Piote, brocanteuse, domiciliée à Paris, 12 cour de Rohan, donne et lègue à M. Victor Legris, libraire rue des Saints-Pères, tous mes biens, ceux de mon logement, ceux de mon magasin et ceux de mon hangar.
    Fait et écrit entièrement de ma main, à Paris, le 2 février 1896.
    Il hésita. S’il gardait cette lettre par-devers lui, et que l’inspecteur soit ensuite informé de la succession, il risquait d’être incarcéré. Mieux valait la coincer entre deux livres dans l’espoir que les policiers en auraient connaissance le plus tard possible. Mais Victor ne se berçait d’aucune illusion : quand des limiers sont à l’œuvre, ils déterrent forcément des os. Ce papier le désignerait-il comme un assassin en le chargeant d’un mobile ?
    Augustin Valmy ôta ses gants et plongea avec délectation ses mains au milieu d’une cuvette où trempaient des haricots blancs. Le contact de ces graines lui remémora celui des galets qui roulaient sous ses pieds nus un lointain après-midi où il barbotait dans le Guil, près de la maison de ses parents. La nostalgie le submergea. Reverrait-il les Alpes ? Se serait-il exilé de ses chères montagnes si, en ce dimanche de sa dixième année, il ne s’était figé face à la jeune fille couchée dans le torrent, un poignard planté entre les omoplates ? Son premier cadavre.
    Il prospecta la cuisine et avisa un torchon nid-d’abeilles accroché à la crémone de la fenêtre. Il allait s’en saisir et s’immobilisa. Il se sécha avec son mouchoir, s’empara délicatement du torchon et le fourra dans un sac en papier extrait de son manteau.
     
    — Vas-tu cesser de m’apporter des souris à moitié dévorées ? Tes trophées de chasse, voilà leur sépulture !
    Furieuse, Tasha lâcha la queue de l’animal au-dessus de la poubelle, qu’elle scella aussitôt de son couvercle. Kochka eut beau réclamer le rongeur avec véhémence, Tasha refusa de céder et boucla la chatte dans la cuisine après s’être lavé les mains. Puis elle troqua sa blouse contre un corsage à col droit noir et une jupe de velours bleu, tenue austère dont un bouillonné autour des poignets constituait la seule fioriture. Elle souhaitait dissuader Maurice Laumier s’il renouvelait ses avances. Quant à l’autre… Pourvu qu’il la laissât en paix !
    Le matin, Victor avait regretté de ne pouvoir se rendre au café Procope avant la fermeture de la librairie. Mais il avait suggéré :
    — Je devine ton envie de me devancer, vas-y dès que tu seras prête, tu rencontreras des amis et tu t’épanouiras dans cette

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