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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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du verbe creo, creare , au parfait de l’indicatif, ce qui revient à « Pentaour a créé » ou « Pentaour l’a créé ».
    — Et ce C RE T N ? Une abréviation de crétin ? Je plaisante, cher beau-frère, une adresse, ce « 2, r e » l’atteste, 2, rue de… l’Arc-de-la-Victoire ? Et encore plus haut, R MA T… Je donne ma langue au chat !
    — Vous déclarez forfait, Joseph ? Je sais que les cryptogrammes sont un de vos passe-temps favoris.
    — D’accord, à condition que vous me prêtiez ce précieux document.
    Victor s’exécuta à contrecœur. Pourvu qu’il n’ait rien consigné de compromettant dans son calepin !
    — Je vous sais gré de votre collaboration, monsieur Mendole.
    — Broutille, en échange foncez dare-dare chez cette dame, dont j’ignore l’identité.
    — Alexandrine Piote, dite tata Bric-à…
    — C’est celle que m’a citée maman ! s’écria Joseph. Elle prétend que Micheline Ballu a des raisons de soupçonner son cousin d’avoir transporté ses pénates chez elle. C’est pas que ça soit ses oignons, mais quand elle est bilieuse, elle devient infernale. Les horreurs qu’elle débitait tout à l’heure sur le trottoir !
    — Je préfère autant ne pas gâter cette journée, le ciel s’est éclairci, et puisque vous m’en priez, je vais en profiter pour me rendre chez Mme Piote. Si dame fortune est avec moi, je la surprendrai à son logis, cour de Rohan.
    — Je file, dit M. Mendole, on m’attend au Collège de France. Je compte sur vous.
    La sonnette tinta, Joseph leva les yeux au ciel.
    — Lui et son Chevreul ! Et vous ! C’est inouï ! Vous n’êtes pas là depuis cinq minutes que vous vous débinez ! s’exclama Joseph, agacé.
    — Voyons, n’est-ce pas vous qui avez sollicité mon intervention ? J’appréhende une deuxième crevaison, veillez sur ma bicyclette, j’en ai pour une vingtaine de minutes à pied.
    — Donnant, donnant. Il y a une suite à votre histoire de fleur ? J’ai raconté le début à Daphné et elle s’endort aussi sec. Je brûle de savoir comment ça finit.
    — J’ai oublié la trame.
    — C’est une fleur moche qui est allée saluer le soleil.
    Victor, exaspéré, eut une pensée fraternelle pour Shéhérazade.
    — Eh bien… Quand la fleur moche redescendit, elle était d’une beauté à couper le souffle ! Les abeilles se jetaient sur elle en vrombissant Bzzz-bzzzbzzz. Les papillons, attirés par son parfum, montaient à l’assaut avec de grands Floup-floup-floup… Euh… Joseph, c’est ridicule, vous tenez vraiment à…
    — Oui, vraiment, c’est vital, moi aussi il faut que je dorme, vous comprenez ? Si je manque de sommeil je ne vous serai d’aucune utilité. Et, pour un motif qui m’échappe, votre conte opère mieux qu’un soporifique.
    — Je vous remercie.
    — Y a pas de quoi, c’est la pure vérité. Donc, la fleur moche était folle de bonheur…
    — Au début, parce que après quelques jours elle devint consciente qu’avec toutes ces visites, elle n’avait plus une minute à elle. Et c’étaient des bzzzbzzz-bzzz, des floup-floup-floup, et bzzz et floup et bzzz et floup, un bruit infernal… Profitant d’une bouffée de vent pour se courber vers un brin d’herbe chétif elle lui demanda : « Dis donc, toi, comment fais-tu pour être si petit ? – Moi, c’est simple, je suis ami avec la lune. » Bon, vous êtes satisfait, Joseph ?
    — C’est une histoire sans fin.
    — Vous n’avez qu’à en inventer une, je vous passe le relais.
    Victor s’attarda passage du Commerce. En face du numéro 8 la veuve de Brissot avait, en 1794, aménagé un cabinet de lecture, contenant les livres de jurisprudence du girondin guillotiné. Elle résidait avec son enfant sous la vigilance d’un gendarme. Non loin de là, un an plus tôt, Marat corrigeait les épreuves de L’Ami du peuple . Cette période terrible paraissait très proche à Victor. Il s’imaginait qu’on allait le condamner pour la vente illicite de pamphlets interdits.
    La réalité de son époque reprit ses droits cour de Rohan, sous les jardins surélevés d’un pensionnat d’où pendaient des branches de marronnier. Au fond d’une écurie, quelques chevaux mâchaient leur foin près des voitures vides de maraîchers.
    D’un hangar aux battants entrebâillés bondirent en file indienne plusieurs chatons tigrés, suivis de leur mère.
    « Une aubaine, je n’aurai pas besoin de courir rue

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