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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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naïf et suppliant n’émanait-il pas d’un esprit malintentionné ? Et si ce boscot était l’auteur de la lettre menaçant de ressusciter la jeunesse dissipée d’Armande Simonet ? Si cette scène n’était qu’une ruse destinée à l’éprouver ? Elle secoua la tête.
    — Je l’ignore.
    — Ben, c’est facile de contrôler, vous n’avez qu’à fouiller dans son armoire !
    Elle eut un haut-le-corps et, scandalisée, lui intima l’ordre de se retirer.
    — Quel manque d’éducation ! Me demander à moi, sa logeuse, de fouiner chez lui ! Me confondez-vous avec une concierge ?
    Cette allusion à Mme Ballu acheva de courroucer Joseph qui s’éclipsa sans un salut.
    Il percuta trois personnes, deux hommes et une femme âgés espionnant de toute évidence la conversation de la veuve et de son visiteur. Ils entamèrent sur-le-champ un dialogue artificiel concernant des ossements préhistoriques déterrés par l’un des deux hommes, pourvu de larges favoris bruns.
    — Une maison de fous ! jeta Joseph à la servante prête à le reconduire.
    — Chut, monsieur, isolons-nous une minute à la cuisine, j’ai quelque chose à vous dire, souffla la jeune tille, plutôt mignonne, avec un coup d’œil prudent de part et d’autre du corridor. En longeant le salon, j’ai surpris une de vos questions à Mme Simonet. M. Ballu était vêtu de son uniforme quand cette femme s’est présentée. C’est son nouvel habit à rayures qui est pendu dans sa chambre. Il le couve comme un œuf, ce costume de serge, c’est drôle qu’il ne soit pas encore venu le chercher !
    — Mademoiselle, vous me rendez un immense service ! s’exclama Joseph.
    Cramoisie, elle marmonna :
    — Je m’appelle Catherine.
    Joseph stationna à un arrêt d’omnibus. Dommage que cette gracieuse soubrette eût été inapte à lui décrire l’état de l’uniforme que portait Alphonse. Les boutons étaient-ils au complet ? La tenue qu’il avait extorquée après bien des palabres à Micheline Ballu et qu’il allait devoir lui restituer était impeccable. Si la moisson récoltée était médiocre, une conviction s’imposait : le capitaine Ballu s’était évanoui dans la nature depuis maintenant neuf jours.
    Il compta les pièces au fond de sa poche. Un fiacre était un luxe à sa portée. Il s’éloigna au moment où Lucy Grémille, pomponnée et frisottée, accostait l’abri afin d’attendre le véhicule qui la mènerait auprès de l’ancien copiste.
     
    Ils avaient dîné avenue de Choisy, près de l’usine à gaz, dans un troquet dont le propriétaire était le père d’un collègue de Jean-Pierre Verberin.
    Ensuite ils avaient marché, d’abord à distance respectueuse, puis de plus en plus proche, jusqu’à ce que la lumière déclinât.
    Muets et apeurés, ils examinaient la grille cadenassée, espérant la voir s’entrebâiller par miracle. Deux fois déjà ils étaient allés considérer la brèche menant à la propriété. Jean-Pierre Verberin avait eu beau assurer à la jeune fille que c’était l’unique accès au terrain vague, elle renâclait à l’emprunter.
    — Si quelqu’un nous surprenait… Et puis, attifée de cette manière, je vais vous ralentir. Il serait préférable que vous agissiez seul, je resterai ici.
    — Le quartier est mal famé, surtout la nuit, ça m’embête de vous laisser. Le mieux, c’est de reporter à demain.
    Ils tergiversaient à voix basse lorsqu’une silhouette massive tangua vers eux. Ils foncèrent vers un recoin obscur à quelques pas d’un réverbère.
    La silhouette adopta l’aspect d’un homme corpulent entre deux vins. Titubant, il s’agenouilla devant le trou et proféra une bordée de jurons terminée par ce cri de guerre :
    — Je l’écorcherai vif, ce damné galvaudeux !
    Il eut autant de peine à franchir la galerie qu’un bébé à s’arracher au ventre maternel.
    Quand Nestor Belgrand se releva et reconquit un équilibre précaire, il n’avait rien d’un nouveau-né. La sentinelle, en faction dans un lilas, se fondit sous l’enchevêtrement des branches et marmotta entre ses dents :
    — Bienvenue sur mes terres, chien galeux !
    Nestor Belgrand ne perçut pas ce murmure, mêlé aux bruissements de la végétation, bientôt noyés sous ses imprécations rauques.
    Malgré l’acuité de son regard, la sentinelle négligea de l’autre côté du mur le couple toujours dans la pénombre. Elle ne se tourmentait que de cet ennemi,

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