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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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rectifia Joseph, une liasse de feuillets à la main. Ça concerne les corps gras et l’acide stéarique, et c’est signé Chevreul, ça devrait satisfaire M. Mendole !
    — Bravo, Joseph ! Il sera comblé et nous en profiterons pour creuser la question de la formule chimique contenue dans le petit livre. Préférez-vous imposer à M. Chaudrey un interrogatoire similaire ?
    — Non, merci, il me harcèle avec les portraits politiques d’Eugène de Mirecourt que je n’arrive pas a lui compléter. Alors vrai, on se débine ? Chouette ! Vous permettez ?
    Joseph gribouilla quelques notes dans son calepin tout en sifflotant inconsciemment l’air de la rue Corvisart. Refrénant son agacement, Victor grommela :
    — Pourriez-vous cesser de me bassiner avec vos trilles ?
    — Vous fâchez pas, Victor, quand j’entends une scie dont j’ai oublié les paroles, elle se grave dans ma caboche et j’en ai pour des mois. On part vraiment ? Sans regrets ?
    — Autant chercher une allumette dans un terrain vague. Semez Chavagnac et regagnez le bercail, je m’occupe de Gerbecourt et je file au Passe-partout . Rendez-vous ce soir au Temps perdu , ultime étape avant la maison maudite.
     
    Au sortir du fiacre, Hans marqua une pause. Aborder la rue Fontaine était une épreuve redoutée. Il méditait la reconquête de Tasha. Il avait longtemps pensé à elle avec irritation, mais aussi avec toute la chaleur de l’ancienne affection et un sentiment de poignante mélancolie. Depuis qu’il résidait à Paris, il s’était imprégné des lieux où il escomptait une rencontre fortuite, il avait fréquenté les mêmes personnes qu’elle, il s’était même complu à s’entretenir avec le damné libraire qu’elle avait épousé, un homme plutôt en retrait dont on prétendait qu’il avait débrouillé plusieurs affaires criminelles. Selon Hans, l’opinion publique égarait ceux qui l’écoutaient, et il n’était pas du nombre. En revanche, il ne renonçait jamais à assouvir ses appétences. Lorsqu’il avait accepté de participer à l’exposition du Procope , il avait cédé à son ambition, mais également à son envie de renouer avec celle qui l’obsédait à tel point qu’elle volait l’apparence de ses modèles. Les statues féminines disséminées dans son atelier étaient des duplicata de Tasha. À présent, il fallait la convaincre de s’abandonner à la flambée du désir qu’il éprouvait pour elle. Pourvu qu’elle fût seule !
    La chance était son alliée : Tasha lui ouvrit, accoutrée d’une de ces blouses grisâtres qu’elle portait déjà à Berlin et sous laquelle il la devinait nue. Elle voulut refermer la porte, il la bloqua de son pied et la claqua derrière lui.
    — Serais-je importun ? Tu sembles pourtant privée de compagnie.
    — Victor est dans l’appartement de l’autre côté la cour.
    — Menteuse, je sais qu’il est absent. Nous avons tant de choses à nous dire. T’ai-je parlé du livre qu’un ami de Daudet et de Rodin, un correspondant de la Neue Freie Presse , Theodor Herzl, a écrit à la suite du procès de ce capitaine Dreyfus ? J’en ai un exemplaire, cela devrait t’intéresser, il y est question de la nécessité de créer un État pour les Juifs.
    — Désormais je suis française, mon nom est Legris, objecta-t-elle, reculant pas à pas.
    — J’ai bien peur que changer de nationalité ne soit insuffisant. Russe, française, tu es, tu seras toujours juive.
    — En France, il n’y a pas de pogroms.
    — Sans doute, mais il y a des antisémites. Es-tu aveugle ? La condamnation de Dreyfus a jeté bas les masques. Ton Legris ne fait pas le poids, moi je saurai te protéger. Jamais tu ne seras désirée comme je te désire.
    — Tais-toi !
    — Pourquoi te dérober ? Tu brûles de tomber dans mes bras.
    Il devenait nerveux, sa désinvolture avait disparu. Il la prit aux épaules et l’attira à lui. Elle se laissa faire avec la passivité d’une poupée de son. Il resserra son étreinte. Elle tenta de lui échapper et se retrouva ployée en arrière, l’embrassant à pleine bouche sans manifester la moindre résistance. Les doigts puissants du sculpteur chiffonnaient son vêtement de travail ,le retroussaient, palpaient ses cuisses. Ensemble, ils oscillaient en direction de l’alcôve. En dépit d’une voix qui criait « Non ! » à l’intérieur de Tasha, ils s’affaissèrent lentement, Hans pesait davantage sur elle à mesure

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