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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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l’air entendu dans la maison maudite. Obsédé par l’inscription C RE T N qu’à présent il identifiait au prénom Corentin, il sursauta lorsque la porte tinta.
    — Monsieur Pignot, avancez-moi un siège.
    Olympe de Salignac prononça ces paroles du ton cassant avec lequel un général de l’arrière ordonne à ses troupes de se faire hacher menu et enchaîna :
    — Mes neveux, les jumeaux, ont de telles dispositions pour le piano qu’à trois ans ils jouent à quatre mains.
    — Heureusement que ce n’est pas le contraire, grommela Joseph.
    — Plaît-il, jeune homme ?
    — Rien, j’en suis absolument baba.
    — Une méthode de solfège appropriée s’avère indispensable, soyez diligent !… Et votre fille ? On colporte qu’elle a le sens musical, ce qui me laisse sceptique.
    — Oh ! Ma fille ne joue encore qu’à quatre pattes.
    Kenji jugea bon de s’arracher à la protection de son bureau et de s’occuper en personne de la comtesse, prête à châtier l’impertinent d’un coup de face-à-main. À cet instant une sonnerie aigrelette retentit.
    — Excusez-moi, le téléphone, dit Joseph tandis que Kenji entraînait la comtesse vers l’arrière-boutique.
    — Allô ? Ah, c’est vous ?… Quoi !… La maladie du charbon ! s’exclama Joseph, l’écouteur collé à l’oreille. Oui, je suis seul… Non, je ne crie pas… Merde alors ! Je les ai approchées de près, ces saloperies !… Je ne risque rien, c’est vite dit !… Non, je ne les ai pas manipulées, tout de même… Non, je n’ai ni coupure ni écorchure… Oui, j’ai suivi vos conseils à la lettre, je me suis étrillé au savon noir de la tête aux pieds… Oh, la morale, hein !… J’ai tout flanqué à la cave empaqueté dans un carton… Je sais, je sais, vous avez couru les mêmes risques… Oui, je vous fais confiance… Je raccroche, Kenji rapplique.
    — Qui était-ce ? demanda Kenji.
    — Rien, un client qui traque le mouton à cinq pattes.
    — Offrez un siège à Mme la comtesse, descendez à la réserve et trouvez-moi les Mémoires d’un bourgeois de Paris , du Dr Véron.
    Joseph s’exécuta avec empressement. Il s’assit dans la pénombre sur une pile de reliés.
    « Tu as tort, se raisonna-t-il. Tu ne cours aucun danger. Victor a raison. »
    Il contempla son domaine de papier, chassa de son esprit la conversation qu’il venait d’avoir et se focalisa sur la recherche des cinq tomes des Mémoires du Dr Véron.
    Quel ne fut pas son étonnement quand, après le départ de la moukère, loin de critiquer la conduite de son gendre, son beau-père le congédia deux heures avant la fermeture !
    — Étant donné la pénurie de clients aujourd’hui, je suffirai à la tâche. Daphné sera enchantée que son papa se montre plus tôt que de coutume.
    Joseph obtempéra, troublé par ces prévenances auxquelles Kenji ne l’avait pas habitué. Une bouffée de joie l’envahit en pénétrant dans l’appartement, son royaume d’amour et de paix. Il évita la cuisine où s’affairait Euphrosine et courut au salon embrasser Iris, les cheveux ébouriffés et les joues rouges après une promenade dans le jardin des Tuileries avec Daphné. Celle-ci s’amusait à construire une muraille de cubes immédiatement démantelée, et fut ravie que son père acceptât de se joindre à ce dur labeur.
    Brusquement, Joseph avisa la lettre C. Il la plaça près d’un R, d’un E, d’un T et d’un N. Fâchée qu’on la privât d’une partie de ses matériaux, sa fille voulut récupérer son bien, mais, avec douceur et fermeté, Joseph l’en empêcha. Il venait de poser un A au milieu de l’alignement. Un nom essayait de se former, une vague idée naissait en lui.
    — Déniche la lettre ronde comme un cerceau, mon poussin, on va inventer un jeu.
    Daphné renonça illico à son mur et l’arasa afin d’un extraire un O. Elle surveillait la main paternelle inversant les cubes, les éloignant, les rapprochant, insatisfaite.
    — Il manque quelque chose, mais quoi ?
    — Côa ? répéta Daphné.
    Intriguée, Iris délaissa son ouvrage et se pencha vers le tapis.
    — Quel nom cherches-tu ?
    — Une ville, enfin il me semble…
    — C…A…REN…TON. Il faut placer un H après le C, et tu obtiens Charenton, localité célèbre pour son asile. J’espère que tu ne projettes pas d’y séjourner, ajouta-t-elle.
    — Ma chérie, tu es fantastique ! Sherlock Holmes, que les femmes laissent de

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