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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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qu’autrefois, quand il s’apprêtait à commettre un forfait.
    La lumière se déplaçait furtivement. Soudain, elle se scinda en deux, il se colla au sol. Un instant plus tard, il comprit de quoi il s’agissait. C’étaient les lumignons d’une charrette. Tout à coup, elle bifurqua et suivit une sente sinueuse. Nestor sauta sur ses pieds et, dos courbé, se glissa à sa suite. L’instinct de la chasse reprenait ses droits.
    La charrette avait disparu. Une faible lueur vacillait au premier étage. L’homme devait avoir élu domicile dans l’une des chambres. Nestor gravit l’escalier. Le bois vermoulu s’écroula sous son poids. Il fut projeté en avant et tendit les mains pour amortir sa chute. Il s’écorcha les paumes.
    La lumière se décala sur sa gauche. Grimpé sur un tas de briques, il entrevit une ombre gigantesque qui s’effilait vers l’autre entrée de la bâtisse. Il contempla les gravats qui jonchaient la terre et sortit son couteau à cran d’arrêt.
    Une porte entrebâillée sur un couloir l’attirait. Il écouta, analysant le moindre bruit. Il entendit son propre souffle, des planches craquèrent.
    « Il est là », se dit-il.
    Brusquement, ce fut la pénombre. Il enflamma une allumette. Un second escalier descendait. Il se risqua sur les marches, laissant courir sa main le long d’un mur saturé d’une odeur putride. Il frotta une deuxième allumette. Quelque chose frôla son pantalon, il noya ses souliers dans une flaque.
    « Merde, des rats ! »
    Il y eut un grattement derrière lui. Il fit volte-face, le couteau bien en main.
    Il eut conscience d’une forme qui jaillissait, il s’affaissa sur les genoux et leva un bras pour se protéger. Un objet métallique lui écrasa la main. Il hurla, le couteau lui échappa, un corps s’effondra sur le sien. Il sentit des doigts se refermer autour de sa gorge. La panique l’envahit. Il tomba à la renverse et ne vit pas venir le coup fatal.
     
    La nuit fut agitée. Au marteau qui ne cessait de fracasser son crâne se mêlait un mirage au cours duquel des mains démultipliées suspendaient à une poutre une femme étranglée par un nœud coulant. Ces images papillonnaient, se modifiaient en scènes incohérentes. Un pigeon se muait en loup-garou. Une robe scintillante fondait jusqu’à n’être qu’une minuscule flaque rouge. Un homme prisonnier d’une bouteille explosait en confettis qui ensevelissaient une maison d’un tourbillon de feuilles mortes, une mare se vidait de son eau.
    Une sueur glacée chassa ces chimères. La sentinelle se dressa sur son lit et comprit aussitôt que les fantasmes diurnes sont plus redoutables que ceux du sommeil Désormais, cette compagnie serait permanente, et la hantise pèserait autant qu’un boulet.

 
CHAPITRE XVII
    23 septembre
     
     
    Alertée par un remous le long de l’édredon, Kochka se camoufla sous le lit. Victor venait de jeter l’ancre dans la réalité d’une matinée maussade et s’efforçait d’atténuer la douleur lui mordant le cou. Un torticolis, il ne manquait plus que ça. Il se tourna vers Tasha toujours endormie, les lèvres entrouvertes, le souffle régulier. Elle gémit. De qui rêvait-elle ? Comme si l’insistance de son regard avait détruit le songe, elle souleva les paupières et mit un certain temps à rassembler ses idées.
    — Victor, quelle heure est-il ?
    — Trop tôt pour se lever, murmura-t-il.
    Il l’attira vers lui et, engourdis l’un contre l’autre, ils savourèrent un moment de tendresse dénuée de désir.
    — Ces derniers jours je t’ai sentie lointaine, ma chérie. Es-tu surmenée ?
    Elle se dégagea de son étreinte et se rongea l’ongle du pouce.
    — J’ai revu Hans Richter, avoua-t-elle enfin.
    — Hans ? L’homme de Berlin ?
    En voilà un qu’il avait évacué de son esprit. Il en avait été jaloux, ainsi que de tous les hommes qui avaient approché Tasha, mais leur liaison appartenait au passé, un passé dans lequel lui, Victor, était encore invisible.
    — Et alors ? Qu’as-tu ressenti ?
    — De l’ennui, s’empressa-t-elle de répliquer. Il ne compte plus depuis des années, huit ans, une éternité, et sa présence à Paris éveille des réminiscences pénibles. Il a participé à une exposition, sous le nom de sa mère, Kampers.
    — Il a l’intention de se fixer ici ?
    — Je sais qu’il réside provisoirement au 33, passage Radziwill, il envisage de repartir bientôt. En attendant, il

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