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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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arguments, l’autre mastiqua en présentant un visage placide. Au moment où la note arriva sur la table, comme pour indiquer que le prix du repas ne serait pas dépensé en pure perte, il remarqua :
    â€” Vous voulez dire que nous risquons de connaître quelque chose comme le choléra.
    â€” … Si vous voulez. Bien sûr, c’est une comparaison boiteuse. D’un côté, la contamination semble se faire très vite. De l’autre, seule une minorité des malades connaît des complications. Parmi ceux-là, certains doivent combattre une pneumonie…
    â€” En meurent-ils?
    â€” … Une fois sur deux.
    Le journaliste hocha la tête, tendit la main en affirmant :
    â€” Je dois rejoindre ma salle de rédaction. À bientôt, peut-être.
    â€” Allez-vous publier quelque chose?
    â€” Je vais écrire quelque chose. Mon chef de pupitre décidera de publier ou non.
    Repu, il s’esquiva, laissant derrière lui le docteur Hamelin fort perplexe.
    * * *
    Ã‰lisabeth devait en convenir, son époux tentait sérieusement de mener une vie plus sage. Ce vendredi soir, au lieu de revenir du magasin largement passé huit heures, sinon à neuf, il se trouvait à table avec elle et sa belle-fille dès sept heures.
    â€” Malheureusement, nos deux hommes ne peuvent pas profiter du même bénéfice en même temps, remarqua-t-elle à l’intention d’Évelyne. L’un d’eux doit rester au travail.
    Celle-ci hocha la tête en signe d’assentiment. Sa mine demeurait morose, tellement que le maître de maison crut bon d’ajouter :
    â€” J’ai de la chance de pouvoir compter sur Édouard, maintenant que le docteur Hamelin me met une laisse bien courte autour du cou. Il s’occupe de la fermeture les jours de grande affluence, et souvent, le samedi, je ne me déplace même plus jusqu’à la rue Saint-Joseph.
    â€” Souvent! s’exclama son épouse. Tu es resté à la maison cinq fois, tout au plus!
    â€” Tout de même, Édouard assume de plus grandes responsabilités. Il en rêvait depuis des années et maintenant que le médecin m’a déclaré vieux, il en profite.
    Les jours de déprime, Thomas songeait longuement au sort de Théodule, mort subitement avant ses soixante ans. Les recommandations du praticien se résumaient à peu de chose : moins de tout. Moins de travail, moins de cognac, moins de nourriture, cela pouvait toujours aller. Accepter moins de rapprochements intimes avec son épouse lui apparaissait toutefois comme un sacrifice trop grand, cruel même.
    â€” Le magasin ne ferme jamais beaucoup plus tard que huit heures, affirma Évelyne en jouant avec sa nourriture, du bout de sa fourchette.
    Le commentaire arracha Thomas à ses propres inquiétudes. Il échangea un regard avec sa femme avant de répondre :
    â€” Le vendredi, on parle plutôt de neuf heures.
    â€” Nous ne le verrons pourtant pas revenir avant onze heures.
    â€” Le temps de discuter avec quelques chefs de rayons…
    La jeune femme soupira, songea à lui opposer : « Vous, vous êtes empressé de rejoindre votre épouse le plus vite possible et cela se voit. » Cela n’aurait servi à rien. La connivence entre le père et le fils, à ce sujet, demeurait parfaite. Face aux retards de son héritier, le marchand pouvait dresser une liste interminable des motifs légitimes et, surtout innocents en regard de la moralité.
    Avec un premier enfant à la tétée, Évelyne prétendait encore au titre de jeune mariée. Pourtant, ses soirées s’écoulaient lentement, tristes et monotones. Dans une demi-heure, elle se retrouverait dans le salon, un magazine ou un roman dans les mains, à entendre la grande horloge égrener les minutes.
    La sonnerie du téléphone interrompit sa rêverie.
    â€” Je m’excuse, dit Thomas en s’essuyant la bouche avec sa serviette. Je vais prendre cet appel dans la bibliothèque.
    Son départ autorisa Élisabeth à observer :
    â€” Vous savez, Édouard est bien jeune et, depuis peu, il assume des responsabilités un peu lourdes pour ses épaules. Sans doute lui faut-il se détendre un peu.
    â€” Il aura bientôt trente ans!
    â€” Nous savons toutes les deux que les hommes ne vieillissent pas au même rythme que nous.

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