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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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faire cela dans le cas des lieux de loisir… Cela ne donnera absolument rien si les ateliers, les manufactures, les commerces demeurent ouverts…
    â€” Cela sauverait quelques vies.
    Hamelin inclinait à penser que la maladie se répandait terriblement vite, puisque Québec se trouvait déjà atteinte. Un examen attentif de tous les journaux disponibles lui donnait l’impression que Boston avait été la première localité frappée en Amérique. Les journalistes dressaient à peine le constat de la situation et, déjà, la contagion faisait des victimes à des centaines de kilomètres au nord.
    Seules des mesures susceptibles de réduire les contacts entre la population pouvaient réduire les dégâts.
    â€” Vous n’êtes pas sérieux, continua le fonctionnaire.
    L’homme reprit après une pause, véhément :
    â€” Paralyser l’économie est impossible. Nous en arrivons sans doute aux dernières semaines de la guerre. Il faut au contraire produire encore plus, pour tout envoyer en Europe.
    Cette dimension du problème avait échappé au docteur Hamelin. Bien sûr, non seulement l’effort de guerre participait à la propagation des germes à cause des déplacements de personnes sur de longues distances, mais les mesures de quarantaine se heurteraient à une sévère résistance de la part des autorités politiques ou militaires.
    â€” Si la maladie se répand partout, la production sera plus durement affectée encore. La prévention nuira un peu, la contagion, beaucoup.
    Son interlocuteur secoua la tête et répondit sur un ton de remontrance :
    â€” Je pense que le décès de votre patient vous affecte plus que de raison. Ce genre de réaction émotive est incompatible avec votre profession.
    â€” La description de la situation à Boston fait frémir.
    â€” Je ne veux pas vous chasser, mais je n’ai pas encore dîné, et je dois auparavant terminer ce rapport.
    Le médecin hygiéniste tenait maintenant son porte-plume à la main, prêt à le tremper dans l’encrier posé au milieu de son bureau. L’attitude valait un congédiement. Hamelin tenta encore :
    â€” Vous pourriez convoquer le Comité d’hygiène de la Ville. Je viendrai expliquer la situation à ses membres.
    â€” Si je juge que la situation justifie une réunion du Comité, croyez-moi, je procéderai sans tarder. Merci de votre visite, cher collègue.
    Le ton contredisait les paroles prononcées. Après une hésitation, le visiteur quitta son siège en murmurant un « Au revoir » sans conviction.
    * * *
    â€” Un peu plus et il me disait de changer de métier!
    De nouveau, Charles Hamelin avalait un souper tardif dans la cuisine de son domicile de la rue Dorion. Il terminait le récit de sa conversation avec son collègue Paquin. Il continua :
    â€” À ses yeux, je réagis exagérément à la mort de mon patient.
    Ã‰lise lui adressa son meilleur sourire consolateur, songeant qu’au-delà de la menace d’épidémie, son époux se trouvait toujours profondément touché par le sort de ses patients les plus malheureux. Si cette sensibilité émouvait son amoureuse, elle représentait tout de même un handicap dans l’exercice de sa profession.
    â€” Il ne prendra aucune mesure pour limiter la contagion?
    â€” Aucune. Le vieil imbécile a même évoqué l’effort de guerre pour justifier son inaction.
    Il repoussa son assiette, saisit sa tasse de thé. Après une gorgée, il convint :
    â€” En conséquence, j’ai gaspillé une partie de la matinée en pure perte. Ton père s’est retrouvé avec mes patients sur les bras, en plus des siens.
    â€” Je suis certain qu’il a compris…
    â€” Oh! Il partage un peu mon inquiétude. Mais quand je suis arrivé au bureau au milieu de l’après-midi, son visage n’affichait pas sa bonhommie habituelle.
    Dans le cas du bon docteur Caron, cela constituait un symptôme que quelque chose, ou quelqu’un, lui tombait lourdement sur les nerfs.
    â€” Maintenant, vas-tu abandonner cette question?
    â€” Comment le pourrais-je? Si j’ai tort, j’aurai simplement l’air d’un idiot. Cela ne me fera pas grand mal.
    Il avala un peu de thé, demeura songeur un

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