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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pouvaient y entrer ou en sortir. Le général hocha la tête pour signifier sa compréhension de la situation.
    â€” … Tout cela sera-t-il fait? demanda le médecin après une hésitation.
    â€” Bien sûr. Vos paroles reprennent presque mot à mot les directives de l’état-major. Votre visite vient seulement me confirmer ce dont je me doutais : la situation de notre ville est moins sûre que certains ne tentent de le faire croire.
    â€” Beaucoup moins sûre, affirma Hamelin en quittant son siège. Un moment viendra où tous les habitants de la ville auront été exposés à la contagion. Alors, tous les services publics s’interrompront, faute de main-d’œuvre. Vous êtes très occupé, je ne m’attarde pas plus longtemps. Merci de votre attention.
    Après un aussi sombre pronostic sur la progression de l’infection, aucun des deux n’osa tendre la main au moment de prendre congé.
    * * *
    La locomotive du Québec Central s’arrêtait dans de nombreux villages, pour laisser monter ou descendre des agriculteurs surtout, parfois des voyageurs de commerce. Elle entra dans la gare du Grand Tronc, à Sherbrooke, juste un peu avant midi.
    Tout de suite, la scène s’offrant à la voyageuse la frappa comme un coup de poing au ventre. Le porteur debout sur le quai portait un masque de coton lui couvrant la bouche et le nez. Ses gants visaient peut-être à le protéger du froid, mais le vieil homme désirait plus probablement défendre son épiderme de tout contact direct avec les personnes et les bagages susceptibles de porter des germes.
    Dans le petit édifice de brique un peu vieillot, tous les employés se soumettaient aux mêmes précautions. Les voyageurs quittant la ville cherchaient à se protéger aussi. Les arrivants affichaient à l’unanimité une mine à la fois surprise et inquiète.
    Â«Â Charles, songea-t-elle en relevant machinalement son foulard afin de couvrir un peu le bas de son visage, si tu travaillais ici, tu trouverais des gens déterminés à t’écouter. »
    La voyageuse se trouva bientôt rue Lansdowne, totalement perdue. Une voiture taxi était stationnée un peu en retrait, dans l’attente de clients. Elle songea aux ressources un peu limitées du ménage, se résolut à prendre le tramway en soupirant. Un arrêt se trouvait tout près, elle demanda à un homme debout à proximité :
    â€” Je veux me rendre à l’hôtel de ville. Pouvez-vous me dire quelle voiture prendre?
    â€” … La prochaine, fit l’homme en reculant un peu.
    Si les usages exigeaient que l’on ne serre pas de trop près une inconnue, celui-là paraissait déterminé à doubler la distance habituelle.
    â€” Au coin de la rue Wellington, vous descendrez pour en prendre une autre vers l’est.
    Sa méfiance des germes le rendait un peu moins attentionné. Quand le tramway arriva enfin, il monta en premier. Puis, après avoir acquitté son droit de passage, il préféra aller s’asseoir tout au fond du véhicule. Élise comprit sa méfiance et choisit de rester à l’avant, pour occuper la banquette la plus proche du conducteur. Ce dernier portait aussi un masque et il semblait réticent à accepter ses pièces de monnaie.
    La voiture tourna à gauche dans la rue King, gravit une pente douce.
    â€” Les rues sont désertes, remarqua-t-elle à haute voix. Pourtant, je le vois bien, nous sommes dans le quartier des ateliers et des manufactures.
    â€” … Vous ne savez pas? interrogea l’homme en la regardant à la dérobée.
    â€” À propos de la grippe? Bien sûr, je suis au courant.
    â€” Plusieurs personnes ne se présentent même plus au travail… y compris certains de mes collègues. Cela allonge mes journées de façon déraisonnable.
    Le ton du chauffeur témoignait de sa déception de ne pouvoir faire la même chose. Une famille nombreuse devait dépendre de son salaire.
    â€” Les autres citadins assez courageux pour aller au boulot font tout pour limiter les contacts avec leurs voisins ou leurs compagnons. Je les imagine casser la croûte chacun dans son coin… Voilà Wellington. Si vous vous pressez un peu, vous monterez dans le 253 avant son départ.
    Elle fit comme on le lui disait. Dans cette

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