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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’aimerais pas voir la situation se répéter ici, le général non plus.
    L’officier demeura un moment interdit, puis après cette hésitation, il disparut dans la pièce attenante. À son retour, quelques minutes plus tard, il déclara en dissimulant mal sa surprise :
    â€” Le général Landry accepte de vous recevoir un moment.
    Joseph-Philippe Landry, grand, maigre et sec, une moustache broussailleuse sous le nez, allait sur ses cinquante ans. Les autorités militaires lui avaient refusé le privilège de combattre sur le front, pour l’affecter à des tâches administratives. Au moment où des Canadiens de langue anglaise cueillaient les lauriers de la gloire dans les Flandres, lui assumait le commandement du district numéro cinq, celui de Québec. Avec celui de son collègue Lessard, les manuels d’histoire retiendraient son nom pour avoir réprimé les émeutes du printemps de 1918.
    â€” Monsieur, commença le militaire en se levant à demi pour tendre la main, je n’ai pas retenu votre nom.
    â€” Charles Hamelin.
    Il accepta le fauteuil qu’on lui désignait, enchaîna sans attendre :
    â€” Je le comprends, votre temps est précieux, le mien aussi. Pour éviter de répéter dans notre ville la situation sévissant à Saint-Jean, et sans doute aussi dans de nombreux autres camps au Canada et aux États-Unis, il convient de prendre des mesures énergiques.
    â€” J’ai vu les recommandations du médecin hygiéniste de la Ville dans le journal du matin.
    â€” Elles ne suffisent pas.
    Le général s’adossa dans son fauteuil pour attendre la suite.
    â€” Un cantonnement militaire représente la pire menace pour la santé publique. Des jeunes hommes venus de partout au pays se trouvent réunis. Cela revient à tenir un congrès de tous les microbes.
    â€” Vous y allez un peu fort…
    â€” Ils se répandent dans la ville ensuite. On voit des soldats dans les tavernes, dans les cinémas, dans les théâtres. Comme à Saint-Jean, l’infection atteindra les civils.
    â€” Nous ne trouvons pas tellement de cas parmi nos hommes.
    Hamelin lui répondit par un sourire un peu sceptique, mais il accepta de jouer le jeu.
    â€” J’ai lu la même chose concernant la base de Longue-Pointe, à Montréal. Si vous dites vrai, la contagion ira tout bonnement dans l’autre sens. Avez-vous lu l’article publié dans le Chronicle ?
    Landry chercha dans une pile de journaux, rapporta dessus l’exemplaire de la veille.
    â€” Deux cent quarante marins grippés. On les rencontre dans les mêmes tavernes, les mêmes bordels que les soldats. Si ce n’est pas encore le cas, bientôt le tiers de vos recrues sera sur le dos, peut-être la moitié.
    Le général laissa échapper un soupir, ce qui permit au médecin de deviner que déjà, l’épidémie affectait la Citadelle.
    â€” Que conseillez-vous?
    â€” La quarantaine. Cela seul peut limiter les dégâts. Vous procédez sans doute comme à Saint-Jean, en isolant les hommes présentant des symptômes.
    L’autre acquiesça de la tête.
    â€” Le problème, c’est qu’une personne infectée est contagieuse avant de se sentir elle-même malade. Aussi, il faudrait limiter les contacts entre la population civile et vos hommes. Vous pouvez certainement supprimer toutes les permissions, celles d’une heure comme celles d’une semaine.
    â€” Ce sera fait.
    â€” Cela veut dire aussi suspendre les activités du Chez nous du soldat , et même les visites chez les parents.
    â€” Je suis en mesure d’enfermer tous les hommes dans leurs chambrées jusqu’à la fin de la guerre.
    â€” Pas seulement ici, mais aussi au Manège militaire et à Valcartier.
    Le général ne put dissimuler son agacement en répondant :
    â€” Ce sera fait.
    â€” Toutefois, empêcher les soldats de sortir ne donnera rien si vous laissez les civils entrer.
    â€” Ce n’est pas un collège ici, nous ne permettons pas des heures de visite.
    â€” Je pensais aux fournisseurs, aux fonctionnaires…
    Pour nourrir, vêtir et équiper des milliers de conscrits, des dizaines de camions ou de voitures devaient se présenter dans les divers bâtiments militaires tous les jours. Chaque fois, des germes

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