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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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au minimum ses contacts avec ses semblables.
    Ã€ la gare, Élise passa d’abord au kiosque du télégraphe. Un long moment, elle resta immobile, le crayon suspendu dans les airs, à six pouces de la feuille de papier. Comment décrire ce qu’elle avait vu de façon succincte, puisqu’elle devrait payer pour chaque lettre figurant dans la communication? À la fin, elle écrivit : « SHER VILLE FANTÔME JE T’ÉCRIS AVEC UN MASQUE. JONES ENCORE PLUS INQUIET QUE TOI. »
    Un gamin apporterait le message au cabinet du docteur Caron. Son mari le recevrait avant de se rendre à la séance du conseil municipal.

11
    Pour les personnes privées de loisirs plus enlevants, les séances du conseil municipal fournissaient un divertissement acceptable. Bien sûr, la longue domination du Parti libéral sur les destinées de la ville limitait le nombre de surprises. Cependant, les avatars de l’existence procuraient parfois de véritables débats.
    Le mardi 1 er octobre, au moment de l’ouverture de la période de questions, Charles Hamelin se leva comme si un courant électrique venait de parcourir son siège, puis il clama d’une voix rendue chevrotante par la nervosité :
    â€” L’épidémie de grippe nous menace tous, et vous, vous ne faites rien pour nous protéger!
    Les autres spectateurs désireux d’en découdre avec l’administration tournèrent leur regard vers l’énergumène. Les chiens errants et le ramassage du crottin de cheval dans les rues revêtaient un caractère moins dramatique que cette infection, ils le reconnaissaient volontiers.
    Le maire Lavigueur crispa sa main sur son maillet et fixa un regard mauvais sur le médecin. Les articles du Quebec Chronicle avaient un écho chez les Canadiens français, bien vite les gens en viendraient à formuler des accusations d’incurie.
    â€” Monsieur, un peu de retenue. Le Service d’hygiène a publié des recommandations…
    â€” Je vous ai signalé le danger il y a plusieurs jours. Maintenant, la moitié de la population a sans doute été exposée aux germes.
    â€” Ces recommandations sont identiques à celles promulguées à Montréal…
    â€” Cela n’excuse en rien votre retard criminel. Votre silence met des vies en péril. Le simple rassemblement de plusieurs dizaines de personnes dans cette salle tient de la plus pure sottise. Tout à l’heure, cet homme toussait à s’en arracher les poumons.
    Hamelin pointait du doigt le greffier de la Ville, un gros homme aux favoris démesurés, comme on les portait au siècle précédent.
    â€” Vos accusations pourraient vous conduire devant un tribunal, menaça le maire.
    â€” Sous quel chef d’accusation? Celui de me préoccuper de la santé de mes compatriotes, alors que vous ne faites rien? Abrégeons les procédures, je plaide coupable.
    Un murmure parcourut l’assemblée. La formule risquait bien de se trouver le lendemain en première page de tous les journaux. Le magistrat adoucit le ton au moment de rétorquer :
    â€” Le médecin hygiéniste nous assure que cette grippe ne diffère en rien de celles des années passées.
    Cela revenait à dire : « Au moment de chercher un coupable, voilà la direction où regarder. » Le magistrat se désolidarisait de son employé. Il continua :
    â€” On a pris exactement ces mêmes précautions à Montréal. Elles suffisent, dans les circonstances.
    â€” Vous devriez aller dire cela aux soldats de la base de Saint-Jean ou alors aux habitants de Sherbrooke. Cette ville est soumise à une quarantaine sévère.
    Les spectateurs se regardèrent tout en opinant de la tête. Les comptes rendus des journaux avaient de quoi inquiéter les plus optimistes.
    â€” Rien, dans la situation actuelle, ne justifie des mesures aussi extrêmes. Selon le médecin de la ville…
    Son plaidoyer devenait de moins en moins convaincant, aussi il s’arrêta.
    â€” Le général Landry vient de mettre la Citadelle et le Manège militaire en quarantaine. L’armée se soucie visiblement plus de la santé de ses soldats que le conseil municipal de celle de ses concitoyens.
    â€” Monsieur, je ne vous permets pas…
    â€” Laisse-le parler, Lavigueur, cria quelqu’un dans un

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