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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’autoriser qu’une seule personne à entrer dans la chambre, pour lui porter ses repas et lui donner des soins. Toujours la même.
    â€” Je peux m’en occuper, proposa Jeanne d’une voix empressée.
    Elle se tenait derrière le médecin, une proximité un peu agaçante, soucieuse de ne perdre aucune de ses paroles.
    â€” Voyons, ma petite, votre geste est généreux, mais c’est le rôle de sa mère, protesta la vieille femme.
    â€” … Il est trop lourd pour vous.
    L’argument parut implacable au médecin. Il se tourna à demi vers elle pour l’englober dorénavant dans la conversation :
    â€” Vous porterez un masque et des gants. Vous devrez vous laver soigneusement les mains, avant d’entrer dans la chambre et tout de suite en sortant de celle-ci… et le plus souvent possible au cours de la journée. N’oubliez surtout pas de nettoyer vos vêtements dans l’eau très chaude. Même chose avec ses vêtements à lui, ses draps, sa vaisselle.
    Le ton gagna un peu de sévérité quand il s’adressa ensuite aux parents :
    â€” Tout cela vaut aussi pour vous.
    Le vieux couple donna son accord d’un mouvement de tête.
    â€” Tout de même, abstenez-vous de pénétrer dans la chambre, de toucher ce qu’il a touché. Vous ne l’aiderez en rien en contractant la maladie à votre tour.
    Un moment plus tard, le médecin descendit l’escalier sans escorte. Au moment où il s’apprêtait à sortir de la maison, ce fut au tour d’Eugénie d’apparaître devant ses yeux.
    â€” Mademoiselle… Je m’excuse, madame Dupire, c’est l’habitude. Je suis heureux de vous revoir.
    Pendant des années, au moment où elle prétendait encore au titre de meilleure amie d’Élise, il l’avait reçue à sa table avec une belle régularité.
    â€” Moi aussi, docteur Caron, je suis heureuse de vous voir, répondit-elle en tendant la main. Toutefois, votre présence ici ne doit pas annoncer une bonne nouvelle.
    Le sourire s’estompa bien vite du visage de son interlocuteur.
    â€” Vous avez raison, j’en ai peur. Votre époux a contracté la grippe. Je suis désolé.
    Comme tous les hommes de son métier, il savait adopter le ton de contrition nécessaire à ce genre de situation. Sur un dernier salut de la tête, il s’esquiva.
    Eugénie monta à l’étage à son tour pour se trouver au beau milieu d’un conciliabule tenu dans le couloir, devant la porte de la chambre de son mari.
    â€” Il est malade, commenta la mère.
    â€” Je sais, le médecin vient de m’expliquer.
    â€” Jeanne a accepté de s’occuper de lui.
    La jeune femme reconnut la présence de la domestique en maugréant :
    â€” Te revoilà enfin. J’espère que tu as bien profité de ce congé.
    â€” C’était des funérailles!
    Eugénie demeura un moment interdite par le ton de la réplique, puis elle enchaîna :
    â€” C’est contagieux. Je vais prendre mes repas dans ma chambre, pendant les prochains jours. Si Jeanne s’occupe de lui, je ne veux pas qu’elle touche à mon assiette.
    Elle venait de se mettre elle-même en quarantaine. Sans témoigner de la moindre intention de se rendre dans la chambre de son mari, elle s’enferma dans son petit salon, laissant ses interlocuteurs interdits.
    * * *
    Depuis le début de septembre, une fois par semaine, Gérard avait retrouvé Françoise sur le trottoir devant la boutique ALFRED. La jeune femme arrivait à se dégager du sentiment de culpabilité où la mettait sa situation. Même le regard de Marie, au moment de revenir à l’appartement en soirée, n’entraînait plus la vague honte des débuts.
    Toutefois, elle n’en était pas encore à demander à son cavalier de monter, au moment de venir la chercher. Il est vrai que le faire passer par l’escalier de service aurait été un peu incongru… et Françoise se doutait qu’au moment de le faire entrer dans la cuisine, Gertrude lui aurait réservé un accueil glacial. Quant à le faire passer à travers le commerce après la fermeture de celui-ci, cela se révélait impossible.
    Le dimanche 6 octobre, afin de se délier un peu les jambes, la jeune femme avait

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