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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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retour, recevraient toutes les attentions. Il remarqua d’une voix agacée :
    â€” Si les Allemands étaient vraiment aussi cruels que cela, il ne resterait pas une femme vivante en Belgique ou dans l’est de la France.
    â€” Je ne suis pas spécialiste de la cruauté des Allemands et il se peut bien que cette propagande soit outrancière. Toutefois, je ne voudrais vivre dans aucune région occupée, quelle que soit la nationalité des occupants.
    Gérard se le tint pour dit, sa mentalité d’insoumis ne recevrait pas bon accueil auprès de sa compagne. Il leur fallut un instant pour arriver devant la boutique de vêtements. Il tendit la main en disant :
    â€” Je vous souhaite une bonne nuit, Françoise.
    Quelques heures plus tôt, en quittant son lieu de travail, il avait imaginé faire la bise pour la première fois à sa cavalière, au moment de se séparer. Après des semaines, ce pas vers l’intimité lui paraissait acceptable. Le climat entre eux ne s’y prêtait plus guère, maintenant. Ce serait pour la prochaine fois… peut-être.
    â€” Bonne nuit. Je vous remercie pour cette soirée.
    Elle avait déjà sa clé dans la main gauche. Un instant plus tard, elle traversait le commerce obscur pour regagner l’appartement du dernier étage.

13
    La pension Milton se révélait étrangement silencieuse. La suspension des cours à l’Université McGill, quelques jours plus tôt, avait entraîné la migration de la moitié des locataires vers leurs foyers. Les autres préféraient demeurer dans leur chambre afin d’éviter les risques de contagion. Thalie parcourait un gros livre d’anatomie, étendue à plat ventre sur son lit. Elle leva la tête au son d’un léger coup contre la porte, puis dit :
    â€” Entrez.
    Catherine Baker passa la tête dans l’embrasure :
    â€” Je tenais à te saluer avant de partir.
    â€” Tu as donc décidé de rentrer à Sherbrooke.
    â€” Dans le courrier de ce matin, j’ai trouvé une longue lettre de ma mère. Elle paraît bien effrayée. La ville semble assiégée… un peu comme sur les champs de bataille européens, avec les gaz. Les rues sont presque désertes, les gens portent un masque.
    â€” Justement…
    Thalie quitta le lit, fouilla dans la poche de sa veste pendue à un crochet. Elle en tira un morceau de tissu, le plaça dans la main de son amie en disant :
    â€” En sortant de cette pièce, tu vas mettre cela sur ton visage et ne pas l’enlever avant d’entrer dans la maison de tes parents. Et si quelqu’un chez toi présente le moindre symptôme, garde-le aussi à l’intérieur. Au moindre signe de fatigue, à la moindre toux…
    â€” Je sais. Et je dois aussi me laver soigneusement les mains, laver mes vêtements dans de l’eau très chaude. Tous les journaux nous répètent sans cesse la liste des précautions à prendre.
    â€” Et les gens ne cessent de les négliger, comme si leur ange gardien les protégeait de la maladie.
    Catherine acquiesça de la tête, résolue à faire attention. Thalie prit les mains de son amie dans les siennes, posa les lèvres sur chacune de ses joues.
    â€” Je suis très sérieuse. Fais attention à toi, je ne veux pas te perdre. Tu es mon guide, à Montréal comme à l’université.
    Elle ajouta dans un rire forcé, pour dissimuler son émotion :
    â€” Sans toi, je serais tout à fait perdue dans la grande ville.
    L’autre lui adressa un sourire contraint et, après un moment, brisa le silence devenu un peu lourd :
    â€” Comptes-tu demeurer ici en attendant la reprise des cours?
    â€” Non, je ferai comme toi. Maman m’envoie des lettres aussi angoissées que celle de ta mère.
    Elles se séparèrent sur une dernière pression du bout des doigts.
    * * *
    Vingt-quatre heures après avoir éprouvé ses premiers symptômes, Fernand était toujours aux prises avec la grippe espagnole. Sa fièvre demeurait élevée, la sueur couvrait tout son corps. En s’arc-boutant, Jeanne était arrivée à l’aider à s’installer sur une chaise, le temps de changer les draps. Au moment où il reprenait sa place dans le lit, elle répéta, pour la dixième fois, peut-être :
    â€”

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