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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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commerces, elle remarqua des affichettes identiques à celle qui ornait le sien : « Fermé pour cause d’épidémie ». Il en allait de même aussi dans Saint-Jean. L’Auditorium de Québec présentait une mine lugubre, avec des panneaux de bois aveuglant les ouvertures afin de prévenir les dégradations.
    Elle bifurqua dans la rue des Glacis, se tint un moment debout sur le trottoir, aspira une goulée d’air avant d’entrer dans l’édifice. Une religieuse épuisée lui demanda, un doute dans la voix :
    â€” Êtes-vous malade?
    La visiteuse marchait d’un pas trop assuré pour que ce soit plausible.
    â€” Je veux voir le docteur Hamelin.
    â€” Ce n’est pas possible…
    La sœur grise regarda sur sa droite en disant cela. Marie la frôla au moment de s’engager dans un couloir. Elle passa bientôt la tête dans la porte d’une classe, reconnut une silhouette masculine.
    â€” Madame, disait la religieuse dans son dos, vous ne pouvez pas…
    Hamelin regarda dans sa direction, reconnut la petite silhouette, les yeux d’un bleu sombre, l’abondante chevelure noire.
    â€” Madame Picard, je pense.
    â€” C’est moi.
    Elle décrocha le masque de ses oreilles pour le laisser retomber sur sa poitrine. Tous ses traits soutiendraient ses mots. L’homme fit le geste de l’arrêter, en vain.
    â€” Je viens vous demander de congédier ma fille.
    Comme son interlocuteur demeurait silencieux, elle continua :
    â€” Mon fils se trouve en Belgique et elle décide aussi d’aller au front, à sa manière. Elle passe quatorze heures par jour ici et en arrivant à la maison, elle prend soin d’une amie malade.
    Marie regarda la demi-douzaine de lits devant elle. Tous les visages des malades demeuraient fixés sur elle.
    â€” Je ne veux pas la perdre.
    Le médecin passa son bras autour de ses épaules en disant :
    â€” Venez avec moi. Mais d’abord remettez ce masque.
    Quelque chose, dans la voix fatiguée, la força à obtempérer.
    â€” Je vous remercie, ma sœur, continua-t-il à l’intention de la gardienne des lieux. Je vais m’en occuper.
    La religieuse s’esquiva. Hamelin conduisit la visiteuse vers la salle académique. Depuis l’embrasure, elle reconnut la silhouette de sa fille. Avec une personne de son âge, vêtue d’une robe grise, elle s’occupait de la toilette d’un homme de forte taille. Thalie le soulevait à demi, sa compagne lui enlevait sa chemise de nuit.
    â€” Nous ne pouvons préserver la pudeur de ces personnes. Alors, les autres font semblant de ne rien voir.
    â€” La… soignante avec elle semble bien jeune.
    â€” Dix-huit ans, tout comme votre fille. Il s’agit d’une postulante ici, chez les Sœurs de la Charité. Elles sont devenues amies. Voyez comme elles s’entendent bien. Sans un mot, elles travaillent comme une seule personne.
    Le malade affublé d’une nouvelle chemise, elles s’allièrent pour le recoucher. Un malaise envahissait Marie. Combien sa réclamation lui paraissait ridicule, tout d’un coup!
    â€” Quand j’ai entendu parler pour la première fois de son inscription à McGill, continua Hamelin, j’ai pensé au caprice d’une petite enfant de riches.
    â€” Riches… commença Marie.
    Charles Hamelin la fit taire d’un geste de la main, puis poursuivit :
    â€” Si elle est à l’université, elle est riche. À la voir faire depuis dix jours, j’en suis venu à respecter tout à fait sa décision. Pour vous dire toute la vérité, je ressens un peu d’admiration pour elle. Avec un pantalon, tout le monde trouverait naturelle sa présence ici. Avec une robe, elle récolte le doute, parfois des insultes.
    â€” Elle est si frêle…
    â€” Plutôt petite, mais certainement pas frêle. Regardez-la.
    Avec sa compagne, Thalie aidait un autre patient à adopter la position assise. Il devait peser au moins deux fois le poids de la jeune fille. Le médecin se tourna vers la visiteuse pour conclure :
    â€” Je dois retourner à mes malades. Votre fille ne semble pas avoir remarqué votre présence. Rentrez à la maison et surtout n’allez pas compter parmi les personnes qui mettent en doute ses projets. Elle aura besoin d’alliés

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