La mort bleue
indéfectibles pour atteindre son but. Mais aucun appui ne lui fera plus de bien que le vôtre.
Marie murmura en baissant la tête :
â Je vous demande pardon.
Sans demander son reste, la mère éplorée quitta les lieux.
* * *
Thalie passa la tête dans lâembrasure de la porte et affirma, tout en mettant ses gants :
â Je suis tellement heureuse de te voir en meilleure santé.
Ce matin-là , Françoise offrait un visage un peu pâle, mais souriant. De nouveau couchée sur le dos, la tête sur un seul oreiller car elle respirait à peu près bien depuis la veille, elle confia :
â Jâai eu tellement peur.
â Tu te souviens de ce que je te disais? La plupart des personnes atteintes de cette vilaine grippe se remettent sans trop de mal.
â Mais plusieurs dâentre elles ne le font pas.
La jeune malade ferma les yeux un instant, songeuse, les rouvrit pour dire encore :
â Lâépidémie commence-t-elle à reculer?
Elle en parlait comme dâun ennemi menaçant.
â Je ne pense pas. Quand un lit se libère, nous avons deux malades prêts à lâoccuper.
Elle marqua une pause, puis dit encore :
â En conséquence, je vais me presser de retourner à mon poste. Je suis certaine que tu pourras dire quelques mots à ton père, au moment de son coup de fil. Il sera tellement heureux.
â Amélie va-t-elle bien?
â Très bien, selon les dernières nouvelles glanées par maman. Ton père pourra te rassurer à ce sujet.
Elle tourna les talons afin de quitter lâappartement, revint sur ses pas pour ajouter :
â Tu vas me promettre de bien te reposer.
â Promis, docteur Picard.
Thalie lui adressa un grand sourire, dissimulé par son masque.
â Merci. Tu sais, tu es la première à mâappeler de cette façon.
â Tu es la première à mâavoir déshabillée. Je vais te regarder comme mon médecin, désormais. Ce sera moins gênant.
Cette fois, Thalie la quitta pour de bon. Le trajet jusquâà lâAcadémie Mallet prenait quelques minutes à peine. Elle pénétra dans lâécole, parcourut les six classes sans trouver le docteur. à son retour dans le hall, elle tomba nez à nez avec la sÅur directrice.
â Où se trouve-t-il?
â Dans mon bureau, il ne paraît pas bien.
Thalie gravit lâescalier deux marches à la fois, pénétra dans une petite pièce située en façade. Le médecin était étendu sur le côté, sur un lit militaire. Visiblement, il tentait de se lever. Accroupie, elle lui posa la main sur le front, constata tout de suite une forte fièvre. Une quinte de toux le força à se plier en deux.
â Ne bougez plus. Vous nâêtes pas en état de travailler aujourdâhui.
â Les maladesâ¦
â Si vous ne recouvrez pas la santé, vous ne pourrez pas les aider. Restez tranquille. Rappelez-moi le numéro de téléphone de votre beau-père.
Le ton ne tolérait pas la moindre réplique. Un instant plus tard, elle composait le numéro personnel du docteur Caron, sâimpatientait de la lenteur des téléphonistes du central de Bell Canada. Au moment où elle raccrochait après une brève conversation, Hamelin fermait les yeux tout en laissant échapper un long soupir. Après un mois à sâexposer à la contagion, lâennemi sâemparait finalement de lui.
* * *
La pratique de la médecine assurait certains privilèges. Le docteur Hamelin conserva son lit dans lâintimité du bureau de la directrice, plutôt que de souffrir de la promiscuité dans la grande salle. Caron accourut aussi vite que possible à lâAcadémie Mallet pour lâexaminer. Au moment où il rangeait son stéthoscope, le malade demanda dâune voix plaintive, à peine audible :
â Vous ne direz pas un mot à Ãlise⦠Ce serait lâinquiéter pour rien.
â Je ne peux pas lui cacher cela.
â Vous le savez, les symptômes durent trois, tout au plus quatre jours. Attendez au moins de voir si des complications se présentent.
Caron secoua la tête, peu désireux de dissimuler la vérité à sa fille. Il se releva pour confier à Thalie, debout dans un coin de la pièce :
â Vous le conserverez dans cet état, Ã
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