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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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médecin couché. La grippe…
    Marie pâlit. Elle réussit toutefois à étouffer sa peur, son désir de lui interdire de sortir le lendemain. À la place, elle demanda :
    â€” Crois-tu que c’est grave?
    â€” Le docteur Caron me paraissait bien anxieux, au moment de mon départ.
    Devant les yeux interrogateurs de sa mère, elle précisa :
    â€” Il est venu le voir ce matin, puis il est demeuré avec nous pour la journée.
    â€” Je vais prier pour lui.
    Thalie demeura interdite. Égrener son chapelet ne figurait guère à l’arsenal habituel de Marie, les jours de grande inquiétude. Elle comprit être aussi l’objet de cette recrudescence de piété. Françoise prit la main de sa voisine dans la sienne et murmura :
    â€” Je prierai aussi. À nous deux…
    â€” Nous trois, grommela Gertrude, de l’autre côté de la table.
    Finalement, tout le monde se joindrait au petit cercle de prières.
    * * *
    Le lendemain, dès son arrivée, la jeune fille monta tout de suite au bureau de la directrice et se trouva en face du docteur Caron au moment où il sortait de la pièce.
    â€” Comment va-t-il?
    â€” … Mal, j’en ai peur.
    L’homme paraissait désemparé. Son inquiétude se transmit à son interlocutrice.
    â€” Il faudrait le faire transporter à l’hôpital.
    â€” Il ne serait pas mieux traité à l’Hôtel-Dieu ou dans un autre établissement de la ville. Je vais garder un œil sur lui toute la journée.
    â€” Cela veut dire que personne ne viendra le relever?
    Caron secoua la tête en signe de dénégation. Au Bureau d’hygiène de la municipalité, on paraissait incapable de mobiliser une autre personne pour une période indéterminée.
    â€” En conséquence, conclut-il, je resterai ici aussi longtemps que nécessaire. Mes collègues se partageront ma clientèle dans les jours à venir.
    Si, en temps normal, les médecins se trouvaient en concurrence, ces circonstances exceptionnelles les rapprochaient tous. Chacun essayait de soulager l’autre, dans la mesure du possible. Avant de se diriger vers la grande salle, l’homme ajouta :
    â€” Voulez-vous vous occuper de lui?
    â€” Avec plaisir.
    En entrant dans le bureau, Thalie reconnut l’odeur d’excréments. La médecine lui réservait des côtés moins nobles…
    * * *
    â€” Ne crois-tu pas que c’est plus raisonnable? demanda Thomas en ouvrant la porte du grand magasin à son fils. Nous venons au même endroit, il est plus rationnel d’utiliser la même voiture.
    â€” Mais tu retourneras à la maison tout à l’heure avec la Buick et moi, je serai condamné à prendre le tramway.
    â€” Condamné! Quel sens du drame.
    â€” C’est un foyer d’infection.
    Ils contemplèrent les allées à demi désertées du commerce.
    En face des grandes portes, Thomas découvrit un nouvel étal rempli de sirops pour la toux, de pastilles, d’onguents à base de camphre. Il demanda, surpris :
    â€” Veux-tu faire compétition à la pharmacie Brunet?
    â€” Les journaux prétendent que ces préparations font des miracles. Si les clients veulent les acheter, nous serions bien fous de ne pas profiter de cette manne.
    â€” Le résultat?
    â€” Cela compense un peu pour les produits qui demeurent sur nos tablettes depuis un mois.
    L’ascenseur s’ouvrit devant eux, un garçon masqué annonça « Rez-de-chaussée » à la seule occupante de la petite cage métallique. Au moment de monter, le propriétaire lui déclara :
    â€” Je ne vous reconnais pas, monsieur?…
    Pour un gamin d’une douzaine d’années, le titre paraissait un peu pompeux.
    â€” Philippe, monsieur Picard, balbutia l’autre, d’une voix mal assurée.
    â€” Alors, bienvenue parmi nous, jeune homme. Dans les circonstances, je ne vous tends pas la main.
    â€” Je comprends, Monsieur. Nous voilà à l’étage des bureaux administratifs.
    L’ascenseur s’arrêta brutalement, au point que le garçon murmura un « Pardon » timide. Les hommes sortirent. En traversant le rayon des vêtements pour dames, Thomas demanda :
    â€” Celui qui était là auparavant?
    â€” La grippe.
    â€” Quel gâchis! Nous n’en

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