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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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un instant dans la sienne, le temps de demander :
    â€” Vous comprenez, je n’ai pas pu revenir à l’Académie Mallet après… ce malheur. Vous a-t-on envoyé quelqu’un?
    â€” Un médecin tenant son cabinet dans le faubourg Saint-Jean a pris le relais.
    â€” Paquin s’est donc décidé à bouger.
    Le dépit marquait la voix du praticien. Dans ses moments de colère, il attribuerait au fonctionnaire la responsabilité du décès de son gendre. Ce mauvais sentiment s’estomperait bientôt. D’un peu partout dans la province viendraient des descriptions de dévouement semblable à celui de Charles, récompensés aussi par un décès précoce. Bientôt, il reconnaîtrait de bonne grâce l’existence d’un risque professionnel attaché à la médecine. Attribuer la responsabilité de cette mort à un collègue n’aurait servi ni la justice ni la mémoire du disparu.
    Thalie s’éloigna un peu de lui pour s’accroupir devant les chaises où les enfants prenaient place. À sept ans, Pierre accepta en silence la main tendue et l’expression de la « sympathie » de la jeune fille. Plus vieille d’un an, pâle et digne dans sa robe noire, Estelle lui adressa un sourire timide en demandant :
    â€” Tu as travaillé avec papa?
    Des bribes de la conversation précédente lui était parvenues. En dépit de l’éducation reçue chez les ursulines, cette collaboration suffisait à la fillette pour établir un lien personnel entre elles. Dans ces circonstances, elle s’autorisait le tutoiement.
    â€” Oui, je l’ai aidé à soigner les malades.
    â€” Les microbes l’ont tué.
    La gamine porta son regard vers le cercueil, ramena bien vite les yeux sur son interlocutrice.
    â€” Il y en a partout.
    â€” Oui, je sais. On peut tout de même se protéger un peu en portant un masque, en se lavant souvent les mains.
    Estelle acquiesça d’un signe de tête, grave et solennelle. Dans cette maison, des directives de prudence devaient être répétées jusqu’à rendre fous ces enfants.
    Une petite commotion se produisait dans la petite entrée, causée par l’arrivée simultanée de plusieurs visiteurs. Thalie reconnut sans peine Thomas Picard, accompagné de toute sa famille. Elle chercha sa mère des yeux, la découvrit dans un coin du salon. Marie lui fit un geste des doigts, imitant une personne qui marche, puis elle prit la direction de la cuisine. Elle pourrait utiliser la porte arrière pour quitter les lieux, sans avoir à se trouver à proximité de son beau-frère.
    Ou la jeune fille abandonnait la fillette pour suivre sa mère, ou elle acceptait de rentrer toute seule un peu plus tard à l’appartement. Estelle décida pour elle en tendant la main.
    â€” Tu veux m’accompagner à la toilette?
    Ã€ huit ans, depuis bien longtemps elle se passait de compagnie dans ces circonstances. Toutefois, le décès de son père l’amenait à chercher une présence de tous les instants. Thalie prit la menotte en se relevant de sa position accroupie.
    â€” Bien sûr. Tu devras me montrer le chemin.
    Elles s’absentèrent. À ce moment, Thomas Picard commençait à entretenir le docteur Caron et sa femme de la fragilité de l’existence, de la douleur de voir des amis pleurer, pour la seconde fois en si peu de temps, la perte d’un homme si jeune et si prometteur.
    Devant la porte du petit cabinet, Estelle indiqua à sa compagne, le ton rendu hésitant par l’inquiétude :
    â€” Tu vas rester là, tout près de la porte. J’ai un peu peur.
    Elle s’enferma deux minutes, revint pour reprendre immédiatement la main de Thalie. La situation créait entre elles une nouvelle intimité. D’instinct, la fillette se confiait :
    â€” Tu as encore un papa, toi?
    â€” Non. Il s’est noyé, il y a bien longtemps. Mais d’une certaine façon, il est toujours avec moi… Tu me comprends?
    L’autre hocha la tête lentement, toucha sa poitrine du bout des doigts de sa main gauche. À huit ans, la magie faisait toujours partie de son existence.
    â€” Nous allons vendre la maison, continua-t-elle, très grave. Maman n’a plus assez de sous pour la garder.
    De nouveau, pour épargner

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