La mort bleue
vie.
â Quand jâai appris que vous-même étiez atteinte⦠je me suis beaucoup inquiété.
â Jâai eu de la chance. Vous me trouvez complètement remise.
Elle marqua une pause avant dâajouter avec gravité :
â Si vous voulez, nous nâaborderons plus ce sujet. Câest trop triste.
Lâhomme approuva dâun signe de la tête.
â Aimeriez-vous aller au cinéma? Si le sujet du film vous intéresse, bien sûr.
Leur dernier long-métrage leur laissait à tous deux un mauvais souvenir.
â Je suis restée enfermée si longtemps⦠Pourquoi ne pas marcher en direction de la terrasse Dufferin? Quand nous aurons froid, nous pourrons prendre une tasse de thé au Château Frontenac .
Elle sâarrêta pour contempler son compagnon.
â Si cela vous va, bien sûr. Peut-être aviez-vous des projetsâ¦
â Votre programme me convient parfaitement.
Il lui tendit le bras, un sourire sur le visage. Dans une heure, tout au plus une heure et demie, il lâembrasserait une autre fois, cette fois plus longuement. Quand une femme relançait un homme chez lui, cela témoignait dâun intérêt réel, se disait-il.
* * *
La veille, le souper sâétait prolongé assez tard. Catherine utilisait sans gêne son vocabulaire français bien limité, Marie se débrouillait sans trop de mal en anglais. Au moment de regagner leur chambre respective, elles sâétaient fait la bise le plus naturellement du monde.
Le lendemain matin, la mère et la fille marchèrent longuement sur les pelouses de lâUniversité McGill. La visiteuse appréciait la majesté des lieux. Les cours ne reprendraient que dans quarante-huit heures, mais de nombreux étudiants parcouraient déjà le campus, impatients de renouer avec leur routine.
Au moment où elles pénétraient dans le pavillon de médecine, Thalie expliqua :
â Je ne sais pas si nous pourrons entrer dans les classes. Elles seront peut-être verrouillées.
â Cela ne fait rien. Je saisis pleinement comment ce monde peut te séduire. Câest grandiose, un peu mystérieuxâ¦
Elle se tut avant dâajouter : « Et totalement étranger à notre univers. » Dans le grand hall, la jeune fille lui montra le tableau dâhonneur portant les noms de tous les professeurs et des étudiants servant sous les drapeaux.
â Remarque toutes les photos ornées dâun ruban noir.
â Nous sommes très chanceuses, notre volontaire ne serait que blessé, remarqua la mère. Jâaimerais tellement connaître la gravité de cette blessure.
â Il nous dit être capable de longues promenades. Cela ne peut pas être trop grave.
Marie la remercia dâun sourire pour cet effort destiné à lâapaiser.
â Ce sont aussi des militaires? demanda-t-elle en désignant un autre panneau.
â ⦠Je ne sais pas. Il nâétait pas là au moment de lâarrêt des cours.
Elles sâapprochèrent du grand tableau noir. Une main appliquée avait tracé en grandes lettres élégantes : « Hommage aux nôtres qui se sont dévoués lors de la récente épidémie. » Suivaient une longue série de noms.
â Thalie, tu es là !
Elle désignait, dans la troisième colonne, le nom « Picard, Thalia », parfaitement calligraphié.
â Je ne comprends pasâ¦
â Câest pourtant très simple, expliqua une voix derrière elles. Jâai voulu rendre hommage aux étudiants qui ont affronté lâépidémie afin dâaider leurs semblables.
En se retournant, les deux femmes découvrirent le doyen Mann.
â Je venais justement ajouter un nom.
Il sâexécuta. Quand il eut terminé, Thalie proposa timidement :
â Puis-je vous présenter ma mère?
â Ce sera un plaisir, Mademoiselle.
Il serra la main de la visiteuse.
â Madame, observa-t-il en sâinclinant, vous avez là une fille exceptionnelle.
â Merci. Je mâen rends compte tous les jours.
Comme le doyen faisait mine de sâéloigner, Thalie le retint par une question.
â Comment avez-vous su, pour ces personnes? Et pour moi? Je nâai rien dit à qui que ce soit de lâuniversité.
â Des médecins ont jugé bon de me signaler
Weitere Kostenlose Bücher