Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
même situation, en quelque sorte, renchérit Thalie. Bientôt j’espère, j’accueillerai Mathieu de la même manière.
    â€” Tu sais, je suis un peu inquiète. Les hommes ramenés si tôt au pays sont des blessés. Leur transport était prévu bien avant la fin des combats.
    â€” A-t-il été gravement atteint?
    â€” Il se montre rassurant dans ses lettres. Tout de même, les médecins ont conclu qu’il se trouvait inapte au combat.
    Six mois plus tôt, on parlait de cela comme d’une « bonne blessure », susceptible de sauver la vie de quelqu’un. Puisque la menace de se faire tuer avait disparu, une infirmité définitive devenait un prix élevé à payer.
    Le bruit du sifflet d’un train leur parvint. La foule se pressa un peu plus vers le quai, afin de mieux voir. Un cordon de policiers militaires prévenait les accidents fâcheux, car les spectateurs des premiers rangs risquaient de tomber sur les rails.
    Au moment où la locomotive pénétra dans le grand édifice, une fanfare juchée sur une estrade de fortune entonna le God Save the King . Dans l’assistance, de nombreuses personnes agitèrent l’ Union Jack . Les autres applaudissaient à tout rompre, s’égosillaient pour hurler des mots de bienvenue.
    Le train s’arrêta dans un nuage de vapeur. Bien vite, les portes de tous les wagons s’ouvrirent. Les premiers militaires à poser le pied sur le quai esquissèrent un mouvement de recul, car la foule se révélait un peu menaçante.
    â€” Je me demande comment ils pourront retrouver leurs proches dans toute cette pagaille, cria Thalie pour être entendue de son amie.
    La police militaire partageait sans doute son inquiétude. Elle dégagea un passage conduisant à la sortie de l’édifice. En le parcourant, les militaires s’offriraient à la vue des badauds, leurs proches les reconnaîtraient très vite.
    â€” Tu sais combien de soldats se trouvent dans ce contingent? demanda encore Thalie.
    â€” Les journaux ont donné le chiffre de quatre mille.
    â€” La plupart n’auront personne pour leur souhaiter la bienvenue.
    â€” La majorité vient d’autres régions de la province ou même du pays. Ils seront reçus dignement en arrivant dans leur patelin.
    Pour ceux-là, Montréal ne serait qu’une étape du long retour à la maison. Certains transiteraient auparavant par un hôpital militaire, parfois pour n’en jamais ressortir. Les deux jeunes femmes contemplèrent le passage de nombreuses civières. Puis, les premiers cris de joie retentirent dans le vaste édifice quand des familles reconnurent les leurs, les drapeaux s’agitèrent en tous sens avec une frénésie nouvelle.
    Une demi-heure plus tard, Catherine aperçut une longue silhouette un peu courbée vers l’avant, portant une masse de cheveux châtains frisés, des traits fatigués, prématurément vieillis, mais toujours réguliers.
    â€” C’est lui! hurla-t-elle, en agitant les bras en l’air pour attirer son attention.
    La jeune femme trépignait, faisait de grands gestes des mains.
    â€” Johnny! cria-t-elle encore.
    La voix parut se situer une octave au-dessus de toutes les autres. Le militaire leva la tête, aperçut la silhouette féminine sautant sur place. Un sourire illumina son visage, il se dirigea vers sa sœur d’un pas laborieux, en s’aidant de sa canne. Thalie remarqua le fort boitement, les précautions qu’il mettait pour déplacer sa jambe droite.
    â€” John! lança Catherine en se pressant contre le corps de son aîné.
    Elle ne faisait aucun effort pour réprimer ses larmes.
    â€” John, j’ai eu tellement peur.
    L’homme devait continuer à s’appuyer sur sa canne pour tenir debout, aussi ne l’enlaçait-il que d’un bras. Après de longues minutes, la jeune femme se détacha de lui.
    â€” Je manque à tous les usages. Si maman me voyait!
    Elle essuya son visage avec son gant, se recula un peu afin d’englober son amie dans son champ de vision.
    â€” Je te présente ma meilleure amie, Thalia.
    Elle tendit la main. Le militaire la prit de sa main gauche.
    â€” Je suis enchanté de vous connaître. Pardonnez-moi de vous offrir la mauvaise main, mais je n’ose pas lever cette canne du sol.

Weitere Kostenlose Bücher