La mort bleue
lâaction de nos étudiants ou alors lâinformation est venue des directeurs des centres de soins.
â Et dans mon cas?
â Vous êtes privilégiée. Lâépouse de lâévêque anglican mâa indiqué que vous cherchiez à offrir vos services.
Marie apprenait là un épisode tout à fait inconnu. Elle réclamerait des explications un peu plus tard.
â Ensuite, jâai reçu une note dâun certain docteur Hamelin.
La mauvaise prononciation rendait le patronyme à peine reconnaissable.
â Il a pris le temps de vous écrire! Savez-vous quâil est mort?
â Je lâignorais. Comme câest triste! Ses mots à votre sujet se révèlent dâautant plus touchants, dans ces circonstances. Enfin, hier, jâai reçu une troisième lettre dâun certain docteur Caron. Plusieurs personnes semblent sâintéresser à votre réussiteâ¦
Lâhomme sâinterrompit, puis conclut en inclinant encore la tête :
â Alors, je compte vous revoir en classe dans deux jours. Madame, jâai été honoré de vous rencontrer.
Elles balbutièrent leurs salutations. Un instant plus tard, en sortant de lâédifice, Marie sâaccrocha au bras de sa fille.
â Jâai très bien fait de tâaccompagner, murmura-t-elle, émue.
Deux heures plus tard, sur le quai de la gare, elle embrassa Thalie en refoulant ses larmes.
â Je te souhaite de te réaliser pleinement. Je continuerai de mâinquiéter pour toi⦠mais ce ne sera plus jamais de la même manière.
â Merci.
â Essaie de ne pas trop tarder à revenir me voir.
Elle caressa la joue de sa fille du bout des doigts.
â Je te le promets⦠Mais nous devrons mettre les bouchées doubles, après un mois dâinterruption. Ce ne sera peut-être pas avant le congé des fêtes.
â Dès que tu pourras. Je saurai être patiente.
Elle monta dans la voiture, colla son front à la vitre pour lui faire un dernier salut.
* * *
Jeudi matin, tout en regagnant sa place habituelle dans lâamphithéâtre, Thalie rendit de nombreux saluts à ses camarades. Pour la première fois, elle eut lâimpression de faire vraiment partie de cette petite coterie.
Quelques minutes avant le début du cours dâanatomie humaine, un homme très grand et très maigre marcha jusquâà lâestrade en forme de demi-lune placée devant les étudiants, puis il sâabsorba dans la consultation dâune liasse de papiers.
à lâheure prévue, il commença :
â Mesdames, Messieurs, je serai votre professeur jusquâà la fin de lâannée académique. Je mâappelle Julian Levitt.
â ⦠Monsieur McTeer? interrogea une voix.
â Monsieur McTeer a décidé de prendre sa retraite.
Son visage indiquait son refus de commenter plus longuement cette décision.
â Avant de commencer la leçon, enchaîna-t-il, je veux rendre hommage aux personnes, parmi vous, qui ont offert leurs services pendant la période de crise que nous venons de traverser.
Thalie baissa les yeux, comme la plupart des personnes dans son cas. Le nouveau professeur marqua une pause, comme sâil hésitait à continuer.
â Malheureusement, deux dâentre vous ont succombé à la maladie. Lâun sâoccupait des malades, dans un centre de soins. Nous allons nous recueillir et demeurer silencieux pendant une minute.
La jeune Canadienne française échangea un regard avec sa voisine immédiate, la seule autre femme dans lâamphithéâtre, puis elle chercha à se souvenir qui, parmi les étudiants présents en septembre, manquait à lâappel aujourdâhui.
Une fois la minute écoulée, le professeur reprit cette fois dâune voix enjouée :
â Dâaprès les notes que le doyen mâa remises, vous nâignorez plus rien de lâappareil reproducteur des hommes et des femmes. Nous allons nous pencher maintenant sur un sujet moins important : le cerveau.
En ricanant, les étudiants levèrent leur porte-plume. Ils revenaient enfin à la vie normale.
* * *
Comme après nâimporte quelle tempête, chacun essayait de reprendre sa routine. Les clientes revenaient chez ALFRED, contemplaient les étals, appréciaient la qualité des tissus du
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