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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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parla très tendrement, le couvrit de baisers, le serra contre elle comme afin de le réconforter. Elle lui demanda aussi combien de temps il faudrait à Kaherdin pour ramener ce médecin qui pourrait apporter la guérison. Mais plus elle parlait, plus elle entendait les réponses de Tristan, plus la colère et le désir de vengeance montaient en elle.
    Pendant ce temps, Kaherdin, qui voguait vers le nord, n’eut de cesse qu’il n’eût touché la côte de Cornouailles. Il pénétra bientôt dans le port de Tintagel {44} et y fit jeter l’ancre. Puis il déballa sur les quais ses marchandises, déplia et exposa ses riches étoffes et ses objets précieux. À l’annonce de l’arrivée des marchands, le roi Mark sortit de sa demeure et descendit sur le port où Kaherdin lui offrit aussitôt une coupe des mieux travaillées, toute gravée et incrustée d’émail noir, puis l’avisa de ses intentions : espérant vendre ses marchandises en son royaume afin d’y en acquérir d’autres, il pria le roi de daigner lui accorder sa protection sur ses terres. Mark accepta publiquement sa demande et Kaherdin put ainsi pénétrer dans le palais. Il se présenta alors devant la reine et lui offrit une superbe broche dont il vanta, comme il se devait, les mérites. Et comme Yseult, conquise, en admirait la finesse, ainsi que la beauté du travail, le faux marchand plaça subrepticement à côté de la broche l’anneau que lui avait confié Tristan. « Reine, murmura-t-il, l’or de la broche a beau être plus éclatant que l’or de cet anneau, celui-ci n’en est pas moins digne d’intérêt. » Dès qu’elle vit l’anneau, Yseult le reconnut en effet, pâlit et sentit son cœur lui manquer. Elle prit à part Kaherdin, non sans lui demander haut et clair, afin de donner le change à son entourage, à quel prix il consentirait à lui céder l’anneau. Sous couleur de ces tractations, Kaherdin se hâta de lui délivrer le message de Tristan, insista sur l’horrible souffrance qu’il endurait et le peu d’espoir qu’il avait de guérir si la reine ne venait immédiatement le soigner. Profondément bouleversée et le cœur étreint d’une angoisse atroce, Yseult alla sans retard trouver Brengwain et lui fit part des nouvelles qu’elle venait d’apprendre. Mais elles n’eurent besoin de se concerter qu’un instant pour prendre leur décision : elles quitteraient coûte que coûte Tintagel le soir même à bord du navire de Kaherdin et gagneraient au plus vite les lieux où Tristan se mourait. Yseult retourna donc auprès de Kaherdin et, tout en affectant d’acquérir l’anneau, lui souffla qu’elle irait, en compagnie de sa suivante, le rejoindre au port dès que la nuit serait tombée.
    Ainsi donc, aussitôt que tout reposa dans le manoir, Yseult et Brengwain se préparèrent-elles et, emportant tout ce dont elles avaient besoin, s’en furent-elles à la dérobée et, à la faveur de l’obscurité, sortirent-elles sans que nul les vît par une poterne qui les mena directement sur le port et leur permit de monter sur-le-champ à bord du navire où les attendait Kaherdin. Les matelots hissèrent les voiles et prirent le large dans le plus grand silence. Aussi vite que le vent pouvait les pousser, ils longèrent la côte et ne tardèrent pas à se retrouver en pleine mer. Un vent puissant dès lors entraîna le navire, et l’on navigua sans encombre.
    De son côté, Tristan de Lyonesse, que sa blessure contraignait à rester couché, éprouvait une grande langueur. Rien ne pouvait le réconforter dans sa détresse. Seule la pensée qu’Yseult viendrait sans doute le rejoindre retenait encore sa vie. Au matin, il envoyait quelqu’un guetter sur le rivage le retour du navire. Puis, vers le milieu de la journée, il se faisait porter près de la mer et demandait qu’on y installât son lit pour lui permettre d’attendre et de contempler l’horizon. Puis, assailli par le doute et craignant que la voile ne fût noire, il se faisait brusquement reconduire en sa chambre. Il préférait somme toute s’entendre annoncer la mauvaise nouvelle plutôt que de voir de ses propres yeux la nef survenir sans la reine. Son cœur était si broyé d’angoisse qu’en dépit de la présence d’Yseult aux Blanches Mains qui veillait sur lui il ne pouvait réprimer ses plaintes fréquentes.
    Cependant, à force de cingler toutes voiles dehors, le navire de Kaherdin était déjà presque visible depuis les côtes de la

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