La mort du Roi Arthur
Hector le salua lui-même et descendit de cheval. « Mon frère, dit-il, je suis d’autant plus heureux de te rencontrer que Bohort, Lionel et moi nous inquiétions d’être sans nouvelles de toi. Sache que j’allais à Kamaalot défendre la reine contre Mador de la Porte qui l’a accusée de trahison. – Reste avec moi plutôt, repartit Lancelot, jusqu’à ce que je sois vraiment guéri de ma blessure. Quand viendra le jour du combat, nous nous rendrons à la cour tous deux et, si le chevalier qui a lancé le défi ne trouve personne pour l’affronter, c’est moi qui défendrai la cause de la reine. »
Ils demeurèrent ensemble à l’ermitage durant les huit jours encore nécessaires à la convalescence parfaite de Lancelot. Or, le matin même où ils avaient décidé de partir, ils virent un chevalier passer devant l’ermitage et reconnurent en lui Bohort qui, ayant laissé quelques jours plus tôt son frère à Dinas Emrys, chez le roi de Norgalles, s’était lancé seul sur les routes en quête de son cousin. Les trois hommes, tout heureux de se trouver réunis, se concertèrent sur ce qu’il convenait de faire. « À mon avis, dit Bohort à Lancelot, il faut que Guenièvre fasse sa paix avec toi et que l’un de nous combatte pour elle. – C’est juste, répondit Lancelot. Dût-elle continuer à me haïr et dussé-je ne jamais me réconcilier avec elle, je ne souffrirais pas pour autant de la laisser déshonorer. Je courrai donc l’aventure de la défendre, mais avec moins de conviction cependant qu’autrefois puisque, d’après ce que je sais, le tort sera de mon côté et le bon droit du côté de Mador. »
Comme il ne restait que quatre jours à courir jusqu’au terme fixé pour le combat, Lancelot, après avoir mûrement réfléchi, dit à Bohort et à Hector : « Allez tous deux à Kamaalot et restez-y jusqu’à mardi, puisque, ce jour-là, Mador de la Porte se présentera pour demander justice. Entre-temps, cherchez à savoir dans quelles dispositions se trouve Guenièvre à mon égard. Moi, je resterai ici jusqu’à la fin du délai et n’arriverai qu’au dernier moment, sans qu’on puisse savoir qui je suis. Quand j’aurai remporté la bataille, s’il plaît à Dieu de m’en donner la force, venez me retrouver ici même. Vous me direz alors ce que vous aurez pu savoir de mon affaire. » Bohort et Hector approuvèrent sans réserve le projet de Lancelot, lequel ajouta : « Ne dites à personne, pas même à la reine, que je vais venir. Mais, lorsque je serai arrivé, vous me reconnaîtrez facilement : je porterai des armes blanches et un bouclier écartelé d’une bande en biais. » Ils se séparèrent alors en se recommandant à Dieu, Lancelot demeurant chez l’ermite tandis que Bohort et Hector se dirigeaient vers Kamaalot à travers la forêt.
À la fin de la journée, ces derniers parvinrent à destination, et ils avaient à peine mis pied à terre et déposé leurs armes que le roi Arthur, averti de leur arrivée par les guetteurs, se précipita au-devant d’eux pour les accueillir, car il n’espérait plus revoir de si tôt les membres de la lignée du roi Ban. Là-dessus, Gauvain et Yvain vinrent à leur tour leur témoigner leur affection et leur grande estime, et chacun de même les reçut avec de grandes démonstrations de joie. Quant à la reine Guenièvre, aussitôt informée que Bohort était de retour, elle se reprit un peu à espérer et, dépêchant au plus vite une de ses suivantes, lui fit dire qu’elle désirait le voir dès que possible.
Aussi, lorsqu’il pénétra dans sa chambre, la reine se leva-t-elle et, venant à lui, lui souhaita-t-elle la bienvenue. « Que Dieu te donne joie ! » répondit-il. Et Guenièvre, ne sachant comment engager la conversation, finit par dire : « Je ne saurais que me réjouir, puisque te voici de nouveau à la cour. – Ce n’est pourtant pas ton invitation qui m’a ramené ! riposta Bohort, d’un ton si amer que la reine se mit à rougir. – Certes, plaida-t-elle, il y a eu un malentendu entre nous, j’en conviens, mais nous devons nous efforcer de l’oublier. Quant à moi, qui me croyais privée pour jamais de secours, ta venue me réconforte grandement. »
Bohort fit semblant d’ignorer dans quelle situation se trouvait la reine. « Hé, dame ! railla-t-il, comment diable se pourrait-il que ma seule présence opérât ce miracle-là ? – Ne sais-tu donc pas ce qui m’est arrivé
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