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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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pour nombre de choses plus savant que moi.
    Le gros homme s’était dressé comme un coq sur ses ergots et frère Joce, après une brève hésitation, hocha la tête, leur expliquant en chemin la macabre découverte du Breton, puis il ajouta :
    — J’enverrai des moines chercher votre marin pour l’office funèbre et il sera enterré dans notre cimetière. Vous ne m’avez pas donné des nouvelles de votre jarl ?
    — La fièvre a l’air de reculer et sa respiration s’améliore, répondit Hugues alors que la muraille du Castelas surgissait devant eux. Peut-être frère Grégoire arrivera-t-il à le sauver.
    — Il le faut, n’est-ce pas, frère Grégoire ? On ne peut laisser périr un tel homme.
    La voix du camérier était douce, pourtant l’infirmier grimaça en acquiesçant d’un signe de tête.

 
    36
    Le frère portier s’effaça pour les laisser passer et ils pénétrèrent dans la cour du monastère, Grégoire les entraînant vers l’étroite bâtisse de pierre qui servait d’infirmerie. À peine la porte ouverte, une terrible odeur leur sauta au visage. Éclairée par des torches, la forme recouverte d’un linceul reposait sur la table.
    — Ouvrez le volet, voulez-vous ? demanda l’infirmier en découvrant le cadavre.
    L’hôtelier qui se tenait derrière eux ne put s’empêcher de reculer. Le visage n’était plus qu’une bouillie informe d’os, de cheveux et de chairs, et le corps ne valait guère mieux : une jambe et un bras arrachés, une seule main à demi dévorée.
    — Que voulez-vous que je fasse de celui-là ? s’insurgea Grégoire avec humeur. Il faut l’enterrer et vite avant qu’il n’empuantisse tout le monastère.
    — L’abbé veut savoir qui il est... Et comment il est mort.
    — Qui il est ? Drôle de question. Il porte notre robe, que je sache. Avez-vous un moine qui manque à l’appel ce matin ?
    — Oui, le frère Paul.
    — Frère Paul... Frère Paul.
    L’infirmier tournait autour du corps, examinant les macabres restes de son œil exercé.
    — Alors amenez-moi le cuisinier.
    — Le cuis... Je vais le chercher, dit frère Joce en ressortant.
    Hugues était resté impassible malgré la singulière réaction de l’infirmier. Rien ne semblait intéresser Grégoire, pas même la vie d’un homme qu’il côtoyait depuis des mois. Il avait saisi un coutel avec lequel il découpa la robe du moine, enfin il lava le corps avec application, poussant l’eau brunâtre qui ruissela hors de la table dans une rigole à leurs pieds avant de s’échapper par un trou dans le mur.
    — J’ai fait creuser ces évacuations en arrivant, elles donnent dans les fossés, fit-il remarquer à son hôte avant de retourner à ses observations. Le visage est méconnaissable, le nez éclaté, ainsi que le menton et les arcades sourcilières. Les prédateurs ont achevé la tâche, dévorant les yeux. Qu’en pensez-vous, messire ?
    — Il a chuté d’une grande hauteur, répondit l’Oriental en désignant les os broyés en différents endroits... Volontairement ou non.
    — Que voulez-vous dire par « volontairement ou non » ?
    — Rien ne nous prouve que cet homme n’a pas été poussé dans le vide, déclara l’Oriental.
    À ces mots, une ombre passa dans les yeux du gros moine.
    — Gardez-vous d’une trop grande perspicacité, protesta-t-il. Quoi qu’il se soit passé, cela ne nous concerne ni vous ni moi. Nombre de frères ici peuvent vous paraître avoir un comportement étrange, mais c’est ce rocher qui les rend fous, et Paul, si c’est bien lui qui gît ici devant nous, était comme les autres. Ils se sentent prisonniers et ils le sont ! Nous autres sommes d’une race différente, celle des mires et des chirurgiens, et il nous faut faire des observations, rien que des observations.
    Hugues s’inclina en signe d’acquiescement. Etait-ce la peur qui dirigeait les actes de Grégoire ou quelque chose de plus complexe ? L’homme était étrange, plein d’un orgueil démesuré à la limite de la folie, passant sans transition de la plus étonnante arrogance à la fureur ou au silence. Il s’était déjà tourné vers le corps, désignant les larges plaies :
    — Ces morsures, la jambe manquante, tout ça est la marque d’un requin ou de quelque poisson carnassier, nos eaux n’en manquent pas. Le reste semble plutôt le fait d’oiseaux. Quant à l’identifier, tout semble indiquer que ce soit frère Paul, mais nous allons bientôt le

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