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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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notre père abbé de décider de votre sort, déclara frère Henri en allant murmurer quelques mots à l’oreille de Censius qui hocha la tête en fermant les yeux.
    Le camérier se tourna vers le chapitre. Le novice était resté allongé sur le sol, la joue contre le dallage glacé. Dreu ne put s’empêcher de ressentir un élan de compassion. Il se voyait à sa place, lui qui, à Savigny, n’avait cessé de mortifier sa nature pour aller vers l’ascétisme, il avait vite oublié tout cela lors de la traversée. Il repensa avec émotion aux beignets dégoulinants de miel qu’il avait dévorés à Jersey, à l’hydromel et aux vins qu’il avait bus...
    — Notre abbé ordonne que vous soyez enfermé dans le logement séparé pendant trois jours. Trois jours où vous jeûnerez pour comprendre la gravité de votre faute.
    Le novice poussa un faible gémissement, mais n’osa protester. Dreu frissonna à l’idée de ce cachot inconnu. Est-ce que frère Paul y était en ce moment ? Mais dans ce cas, les moines l’auraient signalé lors de la réunion du chapitre et ils l’auraient fait comparaître.
    — Frère Iñigo, appliquez la sentence ! ordonna frère Henri.
    Le frère bâti en Hercule s’approcha du jeune novice, le soulevant presque par son habit pour le remettre sur ses jambes. Au lieu de sortir, ils passèrent derrière l’abbé, allant à une porte masquée par une tenture au fond de la salle. Une fois le lourd tissu retombé, le silence revint.
    — Y a-t-il d’autres délations ? demanda Henri.
    Nul ne dit mot et l’abbé déclara que le chapitre était clos. Un à un, leurs sandales raclant le dallage, les moines se dirigèrent vers la sortie.
    Dreu ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement en se retrouvant dehors. Il se promit de demander pardon au Seigneur et à la Vierge Marie pour sa lâcheté, mais n’arriva pas à regretter son silence pendant le chapitre. Des pétrels survolaient le monastère, décrivant de larges cercles. Le ciel était d’un bleu de lin et la journée s’annonçait belle. Pourtant, le soulagement du petit moine fut de courte durée. L’agitation régnait près de la poterne d’entrée que de violents coups ébranlaient.
    Le Breton Pique la Lune apparut, réclamant de l’aide. Le père abbé et ses officiers se précipitèrent vers lui. Le cuisinier, qui regagnait ses fourneaux, s’immobilisa. On envoya des moines chercher une civière à l’infirmerie et bientôt une colonne s’en alla, guidée par le Breton.
    Le camérier dispersa les moines avec autorité. Dreu retourna vers le dortoir que le cellérier lui avait ordonné de nettoyer. Alors qu’il achevait de le laver à grande eau, il aperçut les frères qui revenaient. Sur la civière reposait une forme humaine recouverte d’un linceul.

 
    LES SUBTILITÉS DES CRÉATURES DIVINES

 
    35
    La nuit n’en finissait plus de s’étirer et dehors retentit une nouvelle fois Y appel des guerriers fauves qui surveillaient l’hôtellerie. À l’intérieur de la bâtisse, les torches étaient restées allumées dans l’obscurité, éclairant ceux qui s’activaient autour des blessés. Frère Grégoire, infatigable, ne laissait guère de répit à ses aides, donnant des ordres, filant à son herbarium préparer une médication et revenant l’appliquer lui-même. Hugues et Eleonor avaient recouvert les plaies d’une pâte épaisse et malodorante, une recette de l’infirmier, avant de renouveler une fois de plus les pansements. Quant à Tancrède, il humidifiait sans cesse les corps enfiévrés.
    Sur la requête d’Harald qui avait besoin de main-d’œuvre au camp, Hugues avait autorisé les blessés les moins touchés à reprendre le travail. Les quatre derniers, dont le jarl, restaient entre la vie et la mort.
    — Dum spiro, spero , répétait l’Oriental à Tancrède. Tant que je respire, j’espère. Celui qui soigne doit espérer la guérison. Il doit avoir l’orgueil et la fougue d’un combattant sûr que la place sera bientôt à lui.
    Et Hugues espérait.
    Pourtant, alors que le coq chantait, un des hommes mourut. Gagné par la gangrène, le corps rompu de souffrances, le marin à la mâchoire fracassée s’éteignit dans les bras d’Eleonor. Son agonie avait été longue et au moment de mourir il s’était agrippé à elle, pleurant comme un enfant qui appelle sa mère. Après lui avoir fermé les paupières, elle se leva en vacillant, le cœur désespéré, fixant

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