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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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atroces
rendues avec douceur, mais son visage était rose d’exaltation, et ses yeux à la
pâleur étrange étaient délicatement rivés aux siens.
    — Nous avons lu les histoires des
batailles à l’école, lança-t-elle. C’était horrible. Les filles en pleuraient.
    Hitler continua à la fixer un instant, la
mettant mal à l’aise. Elle se dit avec inquiétude qu’il essayait de lire dans
ses pensées. Et puis, lentement, comme quelqu’un qui commence juste à s’habituer
à son corps, il s’enroula sur la gauche pour poser délicatement sur une
desserte bien encaustiquée sa tasse et sa soucoupe qui tintèrent aussi doucement
que des dents saines qui s’entrechoquent.
    — Une autre fois, je mangeais dans une
tranchée avec plusieurs camarades, poursuivit-il, et soudain il m’a semblé
entendre une voix me dire « Lève-toi et va là-bas ». Cette voix était
si claire et si insistante que j’ai obéi mécaniquement, comme à l’ordre d’un
supérieur. Je me suis levé immédiatement et j’ai marché une vingtaine de mètres
le long de la tranchée, emportant avec moi ma fourchette et ma gamelle. Je me
suis assis sur une boîte de munitions qui se trouvait là pour finir mon repas, mon
esprit agité de nouveau en repos. J’étais à peine assis qu’un éclair et un boum
assourdissant ont retenti dans la partie de la tranchée où j’étais quelques
instants auparavant. Un obus avait explosé sur les amis que je venais de
quitter. Ils ont tous été tués.
    — Nous sommes si contents que vous soyez
en vie, dit Geli.
    Léo rentra en trombe de la boulangerie et fit
la grimace en voyant Geli seule avec leur oncle.
    — Attendez-moi, oncle Adolf ! Ne lui
racontez plus rien.
    Mais comme il apportait le pain dans la
cuisine, Angela lui dit de se changer pour le dîner.
    — Deux minutes ! cria Léo depuis le
couloir.
    Hitler se pencha en avant et raconta à sa
nièce une nouvelle histoire, sur le ton de la confidence.
    — Octobre 1918.
    Belgique, près de Wervik. Son régiment d’infanterie,
plein à ras bord de défaitistes, de pessimistes et de futurs déserteurs, avait
été attaqué par l’artillerie britannique avec un poison appelé gaz moutarde et
avait dû battre en retraite. Hitler avait perdu la voix, son visage avait enflé
comme un ballon de baudruche et il était devenu aveugle. À l’hôpital de
Pasewalk, tout près de Berlin, il avait appris la nouvelle de la reddition de l’Allemagne
dans la forêt de Compiègne, et son cœur avait saigné comme une seule fois
auparavant, quand sa mère était morte dans les affres du cancer. Recouvrerait-il
la vue ? La question n’était plus là. La question était : sa patrie
bien-aimée allait-elle mourir comme sa mère ?
    À ce point de son discours, Adolf plaça une
main étonnamment moite sur le genou de sa nièce.
    — Mais, Angelika, dit-il, alors que j’étais
étendu sur ma paillasse cette nuit-là – et tu dois imaginer mon état : effrayé,
dérouté, plein de haine, dans le désespoir le plus noir – un miracle s’est
produit ! Comme Jeanne d’Arc, j’ai entendu des voix. Elles me disaient
toutes « Sauve l’Allemagne ! ».
    Geli se mit à rire, car elle pensait qu’il
plaisantait, mais son visage était sérieux et ses yeux lancèrent des éclairs de
fureur. Elle pensa une seconde qu’il allait la frapper.
    Mais il contrôla ses émotions.
    — Je reconnais que c’est étrange, dit-il
calmement. Tout à fait extraordinaire. Mais figure-toi que quand j’ai ouvert
les yeux, je n’étais plus aveugle ! Et j’ai aussitôt fait le vœu d’entrer
en politique et d’offrir ma vie, dans l’espoir de changer le destin de l’Allemagne.
    — En politique ? demanda-t-elle.
    Elle pensait que tous les politiciens venaient
de l’aristocratie. Elle sentait sa main toujours sur son genou. Est-ce qu’il
allait le secouer comme lorsqu’il la taquinait ?
    — Tu vois ce que ces histoires ont en
commun ? Je suis un enfant de la providence, Fräulein Raubal.
    Il enleva sa main et sourit avant de
poursuivre :
    — Tu entendras beaucoup parler de moi. Tu
verras, quand mon heure sera venue.
    Bien que sa solde se
fut arrondie en un joli petit pécule pendant ces années au front, et que la
pauvreté des Raubal fût aussi manifeste que les bocaux qu’ils utilisaient en
guise de verres, Adolf se garda bien d’offrir à Angela un peu d’argent pour la
nourriture. Pourtant, elle lui avait préparé un tel

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