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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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à l’aide
financière de Fritz Thyssen, Hitler trouva les fonds pour acquérir le palais
Barlow, un bâtiment de trois étages entouré d’un jardin clos et situé dans la
très chic Briennerstraße, pour en faire le nouveau siège du parti
national-socialiste des ouvriers allemands. Il allait l’appeler « la
Maison brune » en l’honneur des SA, et s’assurer des services de Herr
Professor Paul Ludwig Troost, l’un des plus prestigieux architectes d’Allemagne,
pour les rénovations intérieures et extérieures, de sorte que ses après-midi
étaient consacrés aux visites au bureau de Troost, où il pouvait exprimer toute
son admiration pour le talent de l’architecte et jubiler chaque fois qu’il
était consulté sur les tissus, le mobilier, les matériaux et la maçonnerie.
    Geli étudia tous les rôles de soprano des
opéras de Wagner, promena Prinz quand son oncle ne le pouvait pas, fit des
emplettes avec Eisa Bruckmann, parla anglais avec Helena Hanfstaengl, se mit à
la photographie sous la houlette d’Heinrich Hoffmann, et fêta le dernier jour
de Starkbierzeit avec Christof Fritsch parce que Emil Maurice avait
emmené Hitler visiter une carrière dans le nord du pays. Puis, un mercredi de
mai, son oncle se rendit dans la maison des Bruckmann et la trouva en haut, en
train de lire Les Considérations d’un apolitique de Thomas Mann ; il
insista pour qu’elle abandonne sa lecture et l’accompagne dans une visite
culturelle de la pinacothèque, avec Fräulein Hoffmann.
    Il évita les salles consacrées à l’art italien
et espagnol, car « trop religieux », mais se concentra sur les
peintres flamands et allemands, dont il leur donna un aperçu très dogmatique. Il
les força à rester plantées pendant cinq minutes devant la Lucrèce de
Cranach l’Ancien, avant de les pousser devant celle de Durer. Six ans
séparaient les deux tableaux, qui montraient tous deux une malheureuse femme
nue au visage romain et à la chevelure auburn tombant jusqu’à la taille, qui, pour
une raison sans doute très connue, s’enfonçait un poignard dans le corps. Lequel
était le meilleur ?
    — Celui de Cranach, suggéra Henny.
    — Pourquoi ? demanda Hitler en
fronçant les sourcils.
    — Elle est plus jolie, dit Geli. Elle est
complexe.
    — Et celui de Durer ?
    — Oh, il est si austère !
    Hitler regarda de nouveau attentivement la
version de Durer, et trouva la confirmation de son jugement.
    — Vous avez tort toutes les deux. Le
tableau de Durer est bien meilleur. La froideur est voulue. Regardez l’équilibre
des membres. La rigueur du visage. De la pure architecture. Vous avez devant
vous, conclut-il, le nu le plus vertueux de l’histoire de l’art.
    — Ce qui est une très bonne chose, dit
Geli à son amie.
    Soudain Hitler partit à grandes enjambées vers
l’aile française, les filles dans son sillage ; là il chercha le Nu sur
un sofa de Boucher, tableau rococo et sentimental, qui montrait une
adorable jeune fille à la croupe rose sur un divan, penchée en avant comme si
elle allait tomber. Geli pensa en secret qu’elle venait de faire l’amour et qu’elle
regardait son amant partir, mais son oncle proposa une autre interprétation.
    — Elle a votre âge, leur dit-il. Intacte,
féminine, et naïve. Une jeune fille de bonne famille. Mélancolique. Sans
méfiance. Vous voyez le désordre des rideaux et des draps ? Elle est en
pleine tourmente sentimentale. Et à présent, avec ce regard lointain, ce doigt
délicatement posé sur le menton, elle rêve sans doute à ses futures amours. C’est
l’art dans ce qu’il a de plus beau : sensuel et chaste à la fois.
    — Pourquoi elle a les jambes si écartées ?
chuchota Henny.
    Geli réprima un fou rire.
    — Ah, vous deux ! fit Hitler, mais
il sourit.
    Puis il les emmena voir la superbe collection
de Rubens de la pinacothèque, où il resta un long moment devant l’enchevêtrement
des anatomies de La Chute des anges ainsi que devant la grande roue
formée par deux chevaux écumants, deux hommes furieux, deux Cupidons, et deux
Vénitiennes nues, potelées et souples, dans L’Enlèvement des filles de Leucippe.
    Se tenant légèrement sur le côté, Geli regarda
la main de son oncle flotter au-dessus de la toile en suivant le flot des
reflets beiges et des ombres bistre sur les flancs des vierges.
    — J’ai tellement à apprendre, dit-il
avant de se retourner. Tu veux bien que je te dessine ?
    Vêtue, comme il

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