La nièce de Hitler
embrassée.
Pleine d’espérance, elle se tint nue devant
lui alors qu’il souriait avec satisfaction et fermait son carnet de croquis.
— J’ai fait du bon travail aujourd’hui, lui
dit-il.
— Je peux regarder ?
Hitler secoua la tête.
— J’ai appris que les modèles ne le font
jamais. C’est une tradition.
— Mais qui va les voir ?
— Ils ne sont que pour moi.
Elle sentit en lui une réticence qui la mit
sur ses gardes.
— Vous n’allez pas en parler à Emil ?
— Certainement pas.
— Vous n’allez pas les montrer à vos amis ?
— Tu veux ma parole d’honneur ?
— Je crois que ça me rassurerait, oui.
Hitler leva sa main droite et jura.
— Tu as ma parole d’honneur que personne
ne verra ces dessins à part moi.
— Merci.
Elle prit les joues de son oncle dans ses
mains et l’embrassa sur le front. Elle le sentit frémir comme s’il voulait la
toucher. Elle se retira dans la salle de bains pour se rhabiller avec le
sentiment d’avoir remporté une victoire.
XIV
16, Prinzregentenplatz, 1929
En juin, Hitler rencontra à Berlin Alfred
Hugenberg, le chef prussien du parti nationaliste – parti conservateur – et
propriétaire de nombreux journaux et salles de cinémas ainsi que d’Ufa, le plus
grand studio de cinéma d’Allemagne. Avec l’arrogance des classes supérieures, Hugenberg
raconta qu’il avait trouvé le furieux Autrichien mal élevé, sans éducation, et
devant s’estimer heureux d’être allé si loin en politique ; Hugenberg
était persuadé – à tort – qu’Hitler pouvait être contrôlé et ses dons oratoires
dirigés vers des programmes de droite s’il lui offrait une aide financière
secrète, tout comme l’avait fait Fritz Thyssen.
Grâce à tous ces subsides, Hitler devint
beaucoup plus riche, et chercha moins à le cacher. Heinrich Hoffmann prit
vingt-deux pellicules de photos lorsque Hitler emmena la famille Raubal et un
aréopage digne d’un chef d’État au derby de Hambourg, en croisière dans l’île
de Helgoland dans la mer du Nord, et en visite sur le tournage d’un film au
Danemark, où ce fut lui qui signa les autographes, et non les stars.
Les achats devinrent plus fréquents : un trench-coat
venant de Londres et un costume de Savile Row, une peinture érotique d’Adolf
Ziegler, le fameux « maître des poils pubiens », tableau qu’Hitler
intitula pour lui-même « Nu en détresse », et un chiot berger
allemand de pure race pour tenir compagnie à Prinz. Il détourna également des
fonds destinés au siège du NSDAP du palais Barlow – après tout, n’était-il pas
le parti nazi ? le parti n’était-il pas Hitler ? – et demanda au
Professor Paul Ludwig Troost, qui avait équipé des transatlantiques, de créer
pour son usage personnel du mobilier massif en acajou, construit dans les
ateliers Vereinigte Werkstätte à Munich. Et ensuite, en septembre, Hitler
n’eut plus qu’à acquérir un luxueux appartement de neuf pièces à Bogenhausen au
16, Prinzregentenplatz, à quelques centaines de mètres à l’est de l’Isar et du
monument del’ Ange de la paix, et à un peu plus d’un kilomètre du
futur siège du parti à Schwabing.
Un soir, à Obersalzberg, il annonça à Angela
pendant le dîner qu’il n’avait pas les moyens de payer le loyer de sa nièce en
plus des traites de Haus Wachenfeld et de Prinzregentenplatz ; il avait
donc le regret d’annoncer que si Geli voulait rester en Allemagne, il lui
faudrait emménager chez lui. Ils n’auraient toutefois pas à craindre le
scandale ni l’inconvenance, car Frau Maria Reichert, sa logeuse de Thierschstraße,
habiterait avec eux en tant que Mädche’für alles, avec sa vieille mère, Frau
Dachs. Et comme il serait amené désormais à recevoir beaucoup, il avait engagé
Georg Winter et sa femme Anni, comme Haushofmeister et Koch.
Le 5 novembre, après qu’Hitler eut fini de s’installer,
Emil alla chercher Geli au train de Berchtesgaden, mais il était tellement
contrarié de voir sa petite amie habiter avec son oncle qu’il ne voulut même
pas l’embrasser. Il ne fit pas allusion à son pull Rodier dernier cri ni à sa
nouvelle jupe en tweed, il n’offrit pas de porter les canaris dans leur cage
dorée, et durant le trajet de la Hauptbahnhof au 16, Prinzregentenplatz, Emil
parla à Geli de l’époque tumultueuse, lorsqu’elle était encore une enfant en
Autriche, où le timide Adolf lui donnait vingt marks pour chaque
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