La nièce de Hitler
es bien ? lui demanda Hitler
trente minutes plus tard.
— Un peu ankylosée.
— Nous allons arrêter.
Elle descendit du tabouret.
— Vous me les montrerez ?
— Plus tard, peut-être, dit Hitler en
refermant brusquement le carnet. Pour l’instant, ça me gêne.
— Il ne faut pas.
— Ils ne sont pas aussi beaux que toi. Je
n’ai pas encore pris le coup. Tu ne veux pas revenir demain ?
Elle revint. Et la semaine d’après. Elle y
prenait goût. Elle était flattée de l’intérêt qu’il lui portait, heureuse d’avoir
accès à lui si facilement, alors que d’autres devaient intriguer pour y
parvenir ; et elle sentit que pour la première fois il était désintéressé
et sincère, qu’elle seule le captivait, et qu’il la voyait exactement comme
elle était.
Lors de la quatrième séance, Hitler lui
annonça, semblant trouver ses mots par terre :
— Nous allons faire des poses différentes
aujourd’hui.
— Lesquelles ?
Il portait encore son costume trois pièces, comme
s’il risquait d’être appelé à l’improviste pour une réunion d’affaires, et ses
mains triaient inutilement les fusains et les crayons sur la table, mais il
semblait avoir regagné une certaine confiance dans son talent et ses notions
artistiques, et Geli sentit en lui la maîtrise qu’il trouvait face à une foule
après s’être replié sur lui-même pendant les premières minutes.
— Sans vêtements, dit-il d’un ton
impératif. Tu peux tout enlever dans la salle de bains à côté.
Elle hésita, et Hitler s’assit devant son
carnet comme devant un bon repas, son jeûne ayant pris fin. Le poste Crosley
passait du jazz, qu’il détestait, et elle sut que c’était pour elle. Sans lever
les yeux, il demanda impatiemment :
— Tu m’as compris ?
— Oui, répondit-elle, et ce « oui »
sembla exclure toute autre option.
Avec une crainte mêlée d’excitation, elle se
retira dans la salle de bains et ôta ses vêtements, en s’efforçant d’aller ni
trop vite ni trop lentement. Elle pensa un instant s’envelopper d’abord dans la
serviette jaune qui se trouvait dans la pièce, mais elle jugea cela indécent, elle
aurait l’air de se présenter comme un paquet cadeau. Alors elle jeta un dernier
coup d’œil dans le miroir, et avec un nœud à l’estomac elle sortit, forçant ses
mains à ne rien couvrir lorsqu’elle apparut face à lui.
Il n’y eut ni froncement de sourcils, ni
rougissement, ni signe indiquant quoi que ce soit de salace.
— Nous ferons des études de nu, dit Hitler
sans bouger de sa chaise.
Elle vit qu’il tenait ouvert sur ses genoux L’Histoire de l’art érotique, comme un manuel.
— Installe-toi sur le tabouret pour
commencer.
Elle obéit. Elle entendit le bois laqué
craquer légèrement.
— Toujours face à moi. Oui. Les mains à
plat sur le siège.
Elle regarda le tabouret.
— Il n’y a pas de place.
— Écarte les jambes.
— Vous verrez bien à cette distance ?
plaisanta-t-elle.
— Oui.
Elle soupira et fit ce qu’il lui demandait, remarquant
son air intéressé lorsqu’il jeta un coup d’œil entre ses cuisses rasées juste
avant que ses mains et ses poignets cachent son sexe. Elle fut surprise d’y
prendre du plaisir.
— Tu es magnifique, dit-il.
— Pas vraiment. J’ai des défauts.
— Où ?
— Ah, on ne peut pas les voir à l’œil nu,
oncle Alf. Il faut un microscope.
— Tes défauts demeureront un mystère, dans
ce cas.
Et pendant qu’il dessinait frénétiquement en
silence, elle écoutait ce jazz qu’il qualifiait de « bruit infernal »,
et son fusain qui traçait des traits et des ombres sur le papier. Puis il
chercha une de ses pages préférées dans son livre de l’histoire des femmes dans
toutes les positions et lui ordonna de changer. Après la quatrième pose, Hitler
se leva pour plier et lisser sur le froid lino vert un drap fraîchement lavé, et
Geli s’y allongea dans toutes les poses qu’il désira, faisant don à son oncle
des globes de ses seins, des pétales intriqués de sa vulve, du secret entre ses
fesses, renonçant à toute honte ou crainte tout en s’habituant à son avidité, à
son sérieux et à son émerveillement. Elle se sentait oppressée. Elle se sentait
désirable. Elle se sentait gauche et vaniteuse et insolente, libre et
imprudente et criminelle ; et quand il eut fini de dessiner, elle se
sentit si perdue qu’elle eut envie d’être
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