La nuit de l'ile d'Aix
AVANT-PROPOS
Les personnages et les événements présentés au cours de cet ouvrage relèvent de l’Histoire et non de la fiction.
Il n’est pas de récit, d’anecdote ou de héros qui n’ait sa source ou ses fiches au château de la Malmaison ou au musée de l’île d’Aix. Aux archives de la préfecture maritime de Rochefort, au musée Thiers ou au Centre Benjamin-Franklin. Dans les collections privées que nous avons consultées. Ou dans les grandes bibliothèques, celle du Congrès à Washington, la Nationale et Marmottan à Paris.
Les confidences et les monologues de Napoléon sont tous empruntés, soit à son œuvre écrite, soit à des témoins « de première main », qui ont rapporté leurs entretiens avec l’Empereur.
Nous avons mobilisé les premiers manuscrits de sa jeunesse, ses premiers romans, la Lettre à Buttafuoco, Le Souper de Beaucaire, les lettres d’amour à Joséphine, les volumes de ses discours, de ses ordres du jour, de ses bulletins et de ses dépêches. Et, bien sûr, Le Mémorial de Sainte-Hélène.
C’est le matériau de base qui sert de substrat à l’édifice. Nous n’avons ajouté que les ciments et les enduits, les raccords et les transitions.
La seule liberté prise avec l’Histoire au cours de ce récit réside dans « la mise en situation », comme disent les réalisateurs de cinéma, des décors et des dialogues, des personnages et des événements.
Les grands historiens qui ont consacré une œuvre majeure à l’Empereur et à l’Empire — Chateaubriand, Walter Scott, Delteil Ludwig, Élie Faure, tant d’autres – escamotent la plupart du temps, en quelques lignes, les affrontements, les mystères et les convulsions de l’île d’Aix.
«... Depuis le 1 er juillet des frégates l’attendent dans la rade de Rochefort. Il laissa le temps à la flotte anglaise de s’approcher. Il pouvait encore s’embarquer, mais la résolution lui faillit en regardant le rivage de France. Il penchait à demander asile aux Anglais » (Chateaubriand).
Ludwig est plus succinct encore.
« L’Empereur se rend sur une île voisine... Napoléon invite froidement les siens à lui communiquer leurs avis, la plupart lui conseillent encore de se remettre à la tête de l’armée. L’Empereur proteste :
— Je ne veux à aucun prix être la cause d’une guerre civile. Je veux aller en Amérique.
Mais son orgueil se cabre à l’idée de partir sous un déguisement. »
Ainsi les événements de dix jours cruciaux sont réduits – tronqués – en dix lignes. Et à l’issue de ce bref survol, on fait route pour Sainte-Hélène via Plymouth. Sainte-Hélène où vont fleurir les corolles et les calices de la Légende. Or le voyage de Rochefort, les journées de la Saale et les nuits de l’île d’Aix projettent non seulement sur les marées de la dernière chance mais aussi sur les tempêtes intérieures les lumières et les ombres de leur éclairage insolite.
Dans un ouvrage conçu comme un almanach et déroulé comme un livre de bord, les dates, les saints, les marées et les lunaisons se doivent d’être fidèles au calendrier. Or le calendrier de l’aventure est tributaire de la mémoire des témoins, des mémorialistes ou des logographes... Et sur les trois cents volumes qui se sont attachés à relater ces jours de solstice qui vont finir en nuits d’équinoxe, les variations et les contradictions sont telles qu’on ne peut regarder comme quasi certaines que les dates enregistrées sur archives ou inscrites sur le rôle des frégates. Pour le reste, les jours et les nuits, les jusants et les bonaces, les départs et les retours varient suivant les auteurs.
Ne prenons que trois exemples édifiants : M. de Las Cases, orfèvre en Mémorial, situe à la première page de son monument le retour de Napoléon à l’Élysée le 20 juin 1815. Or l’Empereur est revenu le 21. Même remarque pour M. de Chateaubriand dans les Mémoires d’outre-tombe : « Sorti de Paris le 29 juin, Napoléon attendait à la Malmaison l’heure de son départ de France. » Or Napoléon a quitté Paris le 25 juin et non le 29.
Le fidèle Ali, mamelouk légendaire et chroniqueur de l’exil, est plus honnête lorsqu’il impute les incertitudes du calendrier à la mémoire des auteurs.
« Dans la journée du 13 ou du 14, l’Empereur semblait décidé à s’embarquer à bord d’un chasse-marée commandé par le capitaine Besson... M. de Las Cases, dans son
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