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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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mouvantes de la fièvre, son teint était d’un gris lugubre.
    Au-dessus des
têtes, dans les ténèbres, la voix du chanoine dévidait maintes prières pour la
délivrance de son fils.
    — Domine
Sancte, Pater omnipotens, aeterne Deus, qui fragilitatem conditionis nostrae
infusa virtutis tuae dignatione confirmas...
    Jeanne était ivre
de sommeil. Son menton s’affaissa.
    — Non !
    Le cri de sa mère
l’éveilla brusquement.
    — Il est
parti ! Matthieu, mon fils !
    Jeanne observa le
lit. Rien, apparemment, n’avait changé. Matthieu était toujours aussi immobile.
Puis elle remarqua que sa peau avait perdu sa rougeur. Elle était grise comme
la pierre.
    Elle saisit sa
main. Elle la trouva molle, lourde, moins chaude qu’avant. Elle la serra, la
pressa contre sa joue. S’il te plaît, Matthieu, ne meurs pas... Car s’il
mourait, elle ne dormirait plus jamais entre Jean et lui. Elle ne le verrait
plus assis à son pupitre, sourcils froncés, ne s’assiérait plus près de lui
pendant qu’il faisait courir son index sur les pages de la Bible. S’il te
plaît, ne meurs pas.
     
     
    Un peu plus tard,
on la renvoya, afin que sa mère et les femmes du village pussent laver la
dépouille de Matthieu et l’apprêter pour les funérailles. Quand tout fut prêt,
Jeanne fut autorisée à revenir lui faire ses adieux. N’eût été son teint gris,
on l’aurait cru tout bonnement endormi. Si elle le touchait, il se
réveillerait, et ses yeux s’ouvriraient pour la contempler avec une affection
espiègle. Elle le baisa sur la joue, comme sa mère lui avait dit de faire. Elle
était froide et curieusement flasque, comme les flancs du lapin mort qu’elle
était allée chercher dans la remise la semaine précédente. Elle retira vivement
ses lèvres.
    Matthieu était
mort.
    Il n’y aurait
plus de leçons.
     
     
    Debout près de l’enclos
à cochons, elle fixait les lambeaux de terre noire qui commençaient d’apparaître
sous la neige fondante. C’était à cet endroit précis qu’elle avait tracé ses
premières lettres.
    — Matthieu...
    Elle tomba à
genoux. La neige mouillée traversa prompte- ment son manteau de laine et lui
glaça la chair. Mais peu importait le froid, elle ne pouvait plus reculer. Elle
avait quelque chose à faire. De l’index, elle traça dans la neige les mots
familiers de l’Évangile de Jean.
    Ubi sum ego
vos non potestis venire. « Où je suis, vous ne
pouvez venir. »
     
     
    — Nous
ferons tous pénitence, annonça le chanoine après les funérailles, afin d’expier
les péchés qui ont attiré sur notre famille le courroux de Dieu.
    Il fit
agenouiller Jean et Jeanne sur la table de bois brut qui servait d’autel
familial. Ils y restèrent toute une journée sans rien manger ni boire, jusqu’au
crépuscule. On leur permit ensuite d’aller dormir, dans un lit qui leur
paraissait maintenant grand et vide. Jean pleurait de faim. En pleine nuit,
Gudrun vint les tirer de leur sommeil, un doigt plaqué sur ses lèvres. Le
chanoine dormait. Elle se hâta de leur tendre des morceaux de pain et un bol de
bois empli de lait de chèvre. C’était tout ce qu’elle avait pu dérober au
garde-manger sans éveiller les soupçons de son mari. Jean dévora son pain, et
comme il avait encore faim, Jeanne partagea sa part avec lui. Dès qu’ils eurent
fini, Gudrun reprit le bol et s’en fut, après les avoir bordés jusqu’au menton.
Nichés l’un contre l’autre, les enfants ne tardèrent pas à se rendormir.
    Le chanoine les
réveilla aux premières lueurs de l’aube. Sans rompre leur jeûne, il les remit à
genoux sur l’autel. La matinée passa tout entière, et l’heure du dîner, sans qu’ils
soient autorisés à se relever.
    Tandis qu’un
rayon de soleil couchant caressait l’autel, venu d’une fente dans le volet de
la fenêtre, Jeanne soupira et changea de position. Ses genoux la faisaient
terriblement souffrir, son estomac grondait. Elle s’efforçait néanmoins de
rester concentrée sur les paroles de sa prière.
    — Pater
Noster qui es in caelis, sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum...
    C’était peine perdue.
L’inconfort de sa position ne cessait de la tenailler. Elle était lasse, elle
avait faim, et Matthieu lui manquait. Comment faisait-elle pour ne pas pleurer ?
Malgré le poids qui pesait sur sa gorge et sa poitrine, les larmes refusaient
de lui venir aux yeux.
    Elle considéra le
crucifix de bois fixé au mur juste devant

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