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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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saint livre et
tenta de s’enfuir, mais il l’attrapa et la fît tourner sur elle-même. Son poing
s’écrasa sur la joue de l’enfant avec une violence qui la projeta en arrière.
Sa tête heurta le mur du fond.
    Son père se
dressait à nouveau devant elle. Jeanne fit un bouclier de ses bras pour se
protéger du prochain coup. Il ne vint pas. De longues secondes s’écoulèrent. La
gorge du chanoine émit une succession de bruits rauques. Jeanne comprit qu’il
pleurait. Jamais elle n’avait vu son père pleurer.
    — Jeanne !
s’écria Gudrun en s’engouffrant dans la pièce. Qu’as-tu fait, ma fille ?
    Elle s’agenouilla
devant l’enfant et vit aussitôt la bosse tuméfiée qui était en train de se
former sous son œil droit.
    — Qu’est-ce
que je t’avais dit ? murmura-t-elle. Pauvre folle, regarde ce que tu as
fait !
    Et, plus fort :
    — Va voir
ton frère. Il a besoin de toi.
    Elle aida Jeanne
à se relever et la poussa en hâte vers l’autre pièce. Le chanoine la suivit des
yeux, l’air lugubre.
    — Chassez-la
de vos pensées, mon mari, lâcha Gudrun. Elle ne compte pas. Et ne désespérez
pas. N’oubliez pas qu’il vous reste un fils.

3
    Aranmanoth, mois
du blé mûr. Jeanne arrivait à l’automne de sa neuvième année quand elle
rencontra pour la première fois Asclepios. En route pour Mayence, où il devait
prendre ses fonctions de maître d’études à l’école cathédrale, celui-ci avait
fait étape chez le chanoine.
    — Soyez le
bienvenu, messire !
    Le père de Jeanne
était manifestement ravi.
    — Nous nous
réjouissons de votre arrivée. J’ose espérer que le voyage n’a pas été trop
pénible, ajouta-t-il en invitant, d’une révérence, son hôte à franchir le
seuil. Entrez, venez vous rafraîchir. Du vin, Gudrun, du vin ! Votre
présence, maître, fait grand honneur à mon humble logis.
    À en juger par la
déférence de son père, cet Asclepios devait être un savant de renom.
    Il était grec, et
vêtu à la mode byzantine. Son excellente chlamyde de lin blanc, agrafée sur l’épaule
par une simple broche de métal, était recouverte d’une longue cape bleue bordée
de fil d’argent. Il avait les cheveux courts, à la façon des paysans, huilés et
soigneusement plaqués en arrière pour dégager son front. À la différence du
chanoine, glabre comme tous les membres du clergé franc, Asclepios arborait une
longue barbe ondulée, aussi blanche que ses cheveux.
    Quand son père
héla Jeanne pour la présenter au visiteur, elle fut frappée d’une soudaine
timidité et resta plantée devant l’étranger, le regard rivé sur ses sandales.
Venant à son secours, le chanoine lui ordonna d’aller aider sa mère à préparer
le souper.
    Une fois assis à
table, le chanoine dit :
    — Nous avons
coutume de lire un passage de la sainte Bible avant de nous servir. Nous
ferez-vous l’honneur de lire ce soir ?
    — Avec
plaisir, dit Asclepios en souriant.
    Il ouvrit la Bible
avec précaution et tourna ses pages de parchemin.
    — Je lirai l’Ecclésiaste,
annonça-t-il. Omnia tempus habent, et momentum suum cuique negotio sub
caeb...
    Jamais Jeanne n’avait
entendu parler le latin d’aussi belle manière. Sa prononciation était inhabituelle :
les mots ne se carambolaient pas les uns les autres à la mode gauloise ;
chacun d’eux formait une entité ronde et distincte, comme une goutte d’eau de
pluie.
    — « Il
y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel. Un temps
pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps
pour cueillir ce qui a été planté... »
    Jeanne avait
maintes fois entendu son père lire ces phrases, mais dans la bouche d’Asclepios,
elles prenaient une beauté insoupçonnée. Quand il eut fini, le visiteur referma
le livre.
    — C’est un
beau manuscrit, dit-il au chanoine, écrit d’une main experte. Vous devez l’avoir
apporté d’Angleterre. L’art, à ce qu’on dit, y est encore florissant. De nos
jours, il est rare de trouver un livre exempt de barbarismes grammaticaux.
    Le maître de
maison rougit de plaisir.
    — On en
trouve bien d’autres semblables à la bibliothèque de Lindisfarne. Celui-ci m’a
été confié par l’évêque, lorsqu’il m’a chargé de cette mission en pays saxon.
    Le repas fut
somptueux, le plus magnifique jamais offert par le chanoine à un hôte. Il y eut
un cuissot de porc salé et rôti, doré à point, des betteraves et du

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