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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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l’autel. Le chanoine l’avait apporté
de son Angleterre natale à son arrivée en mission chez les Saxons. Œuvre d’un
artiste de Northumbrie, la figure du Christ dégageait une puissance introuvable
dans l’art franc. Son corps aux membres émaciés s’étirait sur la croix, ses
côtes saillaient. Toute la partie inférieure, tordue, déformée, renforçait l’impression
de terrible agonie. Sa tête était renversée en arrière, et sa pomme d’Adam
était visible  – singulier rappel d’une virilité tout humaine. Par
endroits, le bois était profondément creusé pour évoquer le sang de ses
nombreuses blessures.
    Et pourtant, en
dépit de sa puissance, cette figure était grotesque. Jeanne le savait, le
sacrifice du Christ aurait dû l’emplir d’amour et d’admiration, mais elle ne
ressentait en ce moment que dégoût. Comparé aux dieux splendides de sa mère, ce
personnage était laid, brisé, vaincu.
    Tout à côté d’elle,
Jean se mit à gémir. Elle lui prit la main. Jean supportait mal la pénitence.
Elle était plus forte que lui, et le savait. Bien qu’il eût dix ans, et elle
tout juste sept, il lui paraissait naturel de le protéger, plutôt que le
contraire.
    De grosses larmes
se formèrent dans les yeux du garçonnet.
    — Ce n’est pas
juste, bredouilla-t-il.
    — Ne pleure
pas, souffla Jeanne, craignant que le bruit n’attirât leur mère ou, pire, leur
père. Notre pénitence sera bientôt finie.
    — Ce n’est
pas cela ! protesta-t-il, blessé dans sa dignité.
    — Alors, qu’est-ce
qui se passe ?
    — Tu ne
comprendrais pas.
    — Dis-le-moi.
    — Père va
vouloir que je reprenne les études de Matthieu. Je le sais. Et je n’en suis pas
capable. Je n’y arriverai pas.
    — Peut-être
que si, murmura Jeanne, bien qu’elle comprît fort bien les inquiétudes de son frère.
    Leur père l’accusait
de paresse et le battait chaque fois qu’il constatait son absence de progrès,
mais Jean n’était pas coupable. Malgré tous ses efforts, il apprenait
lentement. Il en avait toujours été ainsi.
    — Non,
insista Jean. Je ne suis pas comme Matthieu. Sais-tu que Père projetait de l’emmener
à Aix afin d’obtenir son inscription à l’école Palatine ?
    — C’est vrai ?
lâcha Jeanne, abasourdie.
    L’école du Palais !
Jamais elle n’aurait cru que son père pût nourrir de si hautes ambitions pour
Matthieu.
    — Je n’arrive
pas encore à lire Donat. Père m’a fait remarquer que Matthieu maîtrisait Donat
dès neuf ans. Moi, j’en ai presque dix. Qu’est-ce que je vais faire, Jeanne ?
Que vais-je devenir ?
    Jeanne se creusa
la cervelle pour trouver des paroles réconfortantes, mais l’épreuve de la
pénitence était en train de faire sombrer son frère dans un état second. Il se
mit à pleurer à chaudes larmes.
    — Il me
battra, je le sais ! bégaya Jean. Je... je ne veux plus être battu !
    Gudrun apparut
sur le seuil. Après un coup d’œil anxieux par-dessus son épaule, elle se
précipita vers son fils.
    — Tais-toi.
Veux-tu que ton père t’entende ? Tais-toi, te dis-je !
    Jean chancela sur
l’autel, renversa la tête en arrière et poussa un cri. Sourd aux injonctions de
sa mère, il se remit à pleurer de plus belle, les joues rougies de larmes.
    Gudrun l’empoigna
par les épaules et le secoua. La tête de l’enfant s’agita follement d’avant en
arrière. Ses yeux étaient clos, sa bouche béante. Tout à coup, Jeanne entendit
claquer ses mâchoires. Stupéfait, Jean ouvrit les yeux et vit sa mère.
    Gudrun le serra
contre son sein.
    — Ne pleure
plus. Pour le salut de ta sœur et pour le mien, tu ne dois plus pleurer. Tout
ira bien. Reste silencieux.
    Jeanne, songeuse,
assistait à la scène. Elle reconnaissait la vérité des paroles de son frère.
Jean n’était pas intelligent. Il ne pourrait certainement pas suivre les traces
de Matthieu. Soudain, une bouffée de sang lui monta aux joues. Une idée venait
de la frapper avec la force d’une révélation.
    — Que se
passe-t-il, Jeanne ? demanda Gudrun, ayant remarqué l’expression
singulière de sa fille. Te sentirais-tu mal ?
    Elle était
inquiète. Les démons de la fièvre, disait-on, aimaient à s’attarder sous un
toit.
    — Non, Mère.
Simplement, je... je viens d’avoir une idée, une merveilleuse idée !
    Gudrun grogna.
Les idées de sa fille avaient une fâcheuse tendance à lui valoir des ennuis.
    — Laquelle ?
    — Père
souhaitait

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