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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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maïs
bouillis, du fromage fort, et des miches de pain cuites sous la braise. Le
chanoine fit servir de la cervoise franque, épicée, sombre, épaisse comme une
soupe paysanne. Pour finir, on dégusta des amandes grillées et des pommes
cuites.
    — Magnifique,
déclara Asclepios à la fin du repas. Il y a fort longtemps que je n’ai si bien
festoyé. Depuis mon départ de Byzance, je n’avais plus savouré une aussi bonne
viande de porc.
    Gudrun était
ravie.
    — C’est
parce que nous élevons nous-mêmes nos bêtes et que nous les engraissons avant l’abattage,
dit-elle. La viande des sangliers de la forêt est dure et sans saveur.
    — Parlez-nous
de Constantinople ! lança Jean. Est-il vrai que les rues y sont pavées de
pierres précieuses, et que les fontaines crachent de l’or liquide ?
    — Non, fit
Asclepios en riant. Mais c’est tout de même une merveilleuse cité.
    Jeanne et son
frère écoutèrent bouche bée sa description de Constantinople, ville de hauts
édifices de marbre à dômes d’or et d’argent, perchée sur un promontoire
surplombant le port de la Corne d’Or, où accostaient des vaisseaux venus du
monde entier. Telle était la ville où Asclepios était né et avait grandi. Il
avait été contraint de s’enfuir lorsque sa famille s’était trouvée impliquée
dans une querelle religieuse avec le basileus  – une affaire de
destruction d’icônes. Jeanne ne comprit pas ce point, à la différence de son
père, qui secoua la tête en signe de réprobation en entendant le récit des persécutions
subies par la famille d’Asclepios.
    La discussion
prit alors un tour théologique, et Jeanne et son frère furent refoulés dans la
partie de la maison où leurs parents dormaient. En tant qu’invité d’honneur,
Asclepios aurait droit au grand lit, voisin de l’âtre, pour lui seul.
    — S’il vous
plaît, Mère, demanda Jeanne, puis-je rester pour les écouter ?
    — Non. Tu
devrais déjà être couchée. En outre, notre hôte t’a suffisamment raconté d’histoires.
Leur dialogue d’érudits ne t’intéressera pas.
    —  Mais...
    — Il suffit.
Va te mettre au lit. J’aurai besoin de ton aide demain matin de bonne heure.
Ton père désire offrir un second banquet à son hôte. Encore quelques visites de
ce genre, grommela-t-elle, et nous serons ruinés !
    Elle borda ses
enfants sur la paillasse, les baisa, et s’en fut. Jean s’endormit promptement,
mais Jeanne resta éveillée, à tenter de comprendre ce que disaient les voix de
l’autre côté de l’épaisse cloison de bois. N’y tenant plus, elle finit par se
lever et s’approcha de la porte à pas de loup. Elle se mit à quatre pattes pour
épier dans l’ombre son père et Asclepios, occupés à converser autour du feu.
Elle mourait de froid. La chaleur des flammes ne parvenait pas jusqu’à elle, et
Jeanne ne portait qu’une fine chemise de lin. Elle réprima un frisson, mais n’envisagea
pas pour autant de retourner au lit. Il lui fallait à tout prix entendre ce que
disait Asclepios.
    Il était question
de l’école cathédrale.
    — Connaissez-vous
la bibliothèque ? s’enquit Asclepios.
    — Bien sûr,
répondit le chanoine, ravi de cette question. J’y ai passé d’innombrables
heures. Elle renferme une excellente collection de plus de soixante-quinze
manuscrits.
    Asclepios opina
poliment, mais ne parut guère impressionné. Jeanne, elle, n’en crut pas ses
oreilles : tant de livres réunis en un seul et même endroit !
    — On y
trouve De scriptoribus ecclesiasticus , d’Isidore, et De gubernatione
Dei, de Salvien. Il y a aussi les Commentarii complets de Jérôme,
merveilleusement illustrés. Sans compter un exemplaire particulièrement
précieux de l’ Hexaméron, de votre compatriote saint Basile.
    — Y a-t-il
des manuscrits de Platon ?
    — Platon ?
répéta le chanoine, choqué. Certes non ! Ce ne sont pas là lectures
convenables pour un chrétien.
    — Vraiment ?
Vous n’approuvez donc pas l’étude de la logique ?
    — Elle a sa
place dans le trivium, dit le chanoine, mal à l’aise, dès lors qu’on s’appuie
sur des écrits adéquats, comme ceux d’Augustin et de Boèce. Mais la foi est
fondée sur l’autorité des Écritures, non sur l’évidence logique. Par une
curiosité mal placée, un homme risque d’ouvrir la porte au doute.
    — Je
comprends votre point de vue, opina Asclepios, plus par courtoisie que par
conviction. Toutefois, peut-être

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