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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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défier l’immensité de l’océan comme Corneille le faisait.
    Personne sur la frégate de Duncan n’avait osé le déranger. Elle non plus, se contentant de s’accouder au bastingage, sa pipe au bec, les yeux secs. Elle avait fait ce qu’elle devait. Corneille était mort dignement, cela seul devait compter. Le chagrin passerait. Elle avait l’habitude de ses déferlantes.
    Ils avaient regagné la Tortue. Depuis que la paix d’Utrecht avait été signée, marquant la fin des hostilités en Europe, nombre de corsaires étaient devenus pirates par nécessité, et l’île de la Tortue avait vu ses habitants doubler en quelques mois.
    Gave-Panse lui avait accordé crédit jusqu’à ce que le Bay Daniel soit renfloué. Elle savait qu’il ne réclamerait jamais sa dette, même si elle tenait, elle, à l’honorer. Plus encore qu’avant, par son geste désespéré à Kingston, elle avait forcé le respect de tous. Elle n’en tirait aucune satisfaction. La seule qui la comblait était de voir Junior s’activer auprès des charpentiers.
    Le navire lui revenait de droit. Mary le lui avait dit au moment où, revenu sur le pont dévasté, ils avaient pris la mesure de l’immensité de leur tâche.
    — Corneille l’aurait voulu, avait-elle assuré. C’est son héritage, comme Cork autrefois le lui avait légué. Il reprendra la mer, Junior. Et, avec lui, c’est l’âme de Corneille que nous ressusciterons.
    — Pour moi, avait affirmé Junior, il ne mourra jamais.
    Ils s’étaient étreints, comme après la mort de Niklaus.
    Ensuite, ils s’étaient mis à travailler.
     
    Mary retroussa ses manches, avala une goulée de rhum et, indifférente à la froidure qui s’installait, se remit à poncer. Avec cet hiver 1718 qui s’annonçait viendraient les tempêtes, peut-être un cyclone. Leur tâche en serait malaisée. Mais elle était convaincue qu’au printemps, grâce aux améliorations qu’elle y avait fait apporter, se souvenant de celles de La Perle, le Bay Daniel reprendrait la course, plus flamboyant et vindicatif que jamais.
     
    *
     
    Emma de Mortefontaine manqua s’étrangler de colère dans le cabinet de William Cormac.
    — Ann n’est plus en Caroline-du-Sud, venait de déclarer celui-ci avec une froide détermination. Vous ne la reverrez pas, Emma.
    Elle bondit et posa ses poings sur son bureau. Il ne bougea pas d’un pouce, adossé à son fauteuil.
    — Vous osez me défier, moi, Emma de Mortefontaine !
    — Il y a bien longtemps que j’aurais dû le faire, lâcha Cormac avec une pointe de regret. Le temps de votre emprise sur moi est terminé. Vous pouvez tout me prendre, Emma, et même me tuer. Mon honneur, ma fortune ont perdu leur sens depuis la mort de mon épouse. Il ne me reste plus qu’Ann.
    — C’est à moi qu’elle appartient ! fulmina-t-elle.
    — Vous vous trompez, répliqua Cormac. Nul à part moi ne sait où elle se trouve. Vous n’y pourrez rien changer.
    — Je vous crèverai sous la torture. Personne, vous entendez, ni vous, ni Dieu, ni diable, ne m’enlèvera Ann.
    — Faites de moi ce que voudrez, ricana Cormac. Je ne vous crains plus. Sachez seulement que j’ai déposé en lieu sûr un courrier reprenant tous les termes de notre arrangement, vous accusant publiquement si quelque accident venait à m’arriver.
    Une douleur intense barra la poitrine d’Emma, la forçant à s’asseoir, décomposée de haine. Cormac se leva et contourna son bureau. A son tour, il se pencha au-dessus des accoudoirs et du souffle qui manquait à Emma, se rengorgeant de sa faiblesse. Enfin.
    — Rien, vous entendez, rien ne me fera parler. Vous voir vaincue me permettra d’aller jusqu’au bout. La mort m’en délivrera tôt ou tard quoi que vous fassiez. Acharnez-vous sur moi si cela vous plaît, vous en jouissez d’avance, mais vous tomberez avec moi, cette fois, et Ann sera sauvée. Quoi que vous ayez pu faire autrefois à ses parents, et quelle que soit sa naissance, je ne la laisserai pas à la merci de votre perversité.
    Emma suffoqua. William Cormac s’écarta d’elle et lui servit un verre de rhum, qu’il lui tendit charitablement
    — Reprenez des couleurs, Milady, puis sortez. Je ne veux plus vous voir ni vous entendre, jamais.
    D’un geste rageur, Emma envoya le verre qu’il lui tendait s’écraser à terre. Elle bondit sur lui, mais William Cormac, agile et prévoyant, évita son attaque et la gifla à la volée. D’autorité il la força par le

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