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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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connaissances de Cork concernant Venise et les habitudes de sa noblesse… ce n’était pas le quotidien d’un simple voleur. Cork avait de l’allure et de l’envergure.
    Il fallait aussi envisager l’hypothèse qu’il sache qui elle était. Le nom de Mary Read avait dû lui parler. Cela pouvait expliquer qu’il ne lui ait jamais posé la moindre question sur son passé. Elle se félicita d’avoir ôté l’œil de jade de son cou pour le glisser dans sa botte, par précaution. Si Cork et Baletti étaient une seule et même personne, ce simple geste l’avait probablement sauvée.
    Elle décida d’en avoir le cœur net.
     
    Lorsque Clément Cork parut, un panier garni de victuailles à la main, comme chaque matin, il trouva Mary le front soucieux et le regard brillant d’animosité.
    — Mauvaise nuit ?
    — Très mauvaise, répondit-elle en ravalant sa suspicion et son amertume.
    Pour le confondre, il valait mieux n’en rien montrer.
    — Cela n’est pas étonnant, tu vis comme un moine quand Venise meurt de trop aimer. Tu te gâtes, mon ami, ajouta-t-il en lui lançant une œillade complice.
    Clément Cork s’étira, faisant saillir la rondeur musculeuse de ses avant-bras.
    — Juin chante ce matin. Tu devrais faire comme lui. Prends du plaisir au lieu de ruminer. Je me sens léger comme un pinson.
    — J’ai mieux à faire.
    — Dommage, laissa échapper Clément Cork en soupirant.
    Il aurait bien aimé la distraire, cette belle qui s’obstinait à mentir et à jouer. Il avait beau faire, il n’était pas encore arrivé à percer son mystère. Il avait retardé sa saison en mer jusque-là mais ne pouvait plus continuer. Hennequin de Charmont l’avait déjà, à plusieurs reprises, pressé de reprendre ses activités et de protéger ses convois.
    Mary mangea sans appétit, cherchant dans un silence embarrassant le moyen de formuler ses questions. Cork s’en lassa très vite.
    — Si tu me disais ce qui te tourmente.
    — On parle beaucoup d’un certain marquis de Baletti en ville. Tu le connais ?
    — Tout le monde le connaît, pirouetta Cork. C’est un patricien richissime, armateur de son état. Il fait le bonheur de toutes les dames par sa seule présence et séduit même les hommes par son intégrité et sa générosité.
    — Un peu comme toi, en somme, releva Mary en le fixant de son œil soupçonneux.
    Cork, surpris un instant, éclata d’un rire clair qui lui fit perler une larme au coin de l’œil.
    — Voilà donc le souci de Mary Oliver Read, hoqueta-t-il. Imaginer que je sois Baletti. C’est beaucoup d’honneur que tu me fais, mon ami. Beaucoup d’honneur en vérité, mais il me faut te décevoir. Cork est bien petit comparé au marquis.
    Mary se recula contre le dossier de sa chaise, se laissant gagner par un sentiment de soulagement. La réaction de Clément ne laissait aucun doute sur sa sincérité.
    — Décris-le-moi, demanda-t-elle.
    — En quoi t’intéresse-t-il ?
    — Simple curiosité. Les mystères m’attirent.
    — Normal pour quelqu’un qui aime les cultiver, répondit Clément.
    Son regard se fit insistant. Mary baissa le sien.
    — Je ne vois pas ce que tu veux dire.
    Cork soupira. Mary Oliver Read n’aimait peut-être pas sa féminité, après tout. Il décida de l’accepter une fois pour toutes, et entreprit de lui parler de Baletti sous le jour où tous le connaissaient. C’étaient les consignes qu’il avait. Le marquis ne tenait pas à ébruiter sa générosité. Même ceux qui en profitaient ignoraient la main qui dispensait ses grâces.
    — Existe-t-il un moyen de l’approcher ?
    — A quoi cela te servirait-il ?
    — Ça, c’est mon affaire ! se renfrogna-t-elle.
    Il n’insista pas, mais ne put s’empêcher de penser que le marquis de Baletti était peut-être une des préoccupations de Mary.
    — Il va souvent au couvent de Santa Maria délia Vergine.
    — Rendre visite à une parente ?
    Cork éclata une nouvelle fois de rire.
    — Pas exactement.
    — Qu’est-ce que cela a de risible ? se vexa Mary.
    — Les couvents vénitiens ne ressemblent pas à ceux du reste de l’Europe. Disons, pour faire court, qu’on y vénère plus les seins des moniales que ceux du calendrier.
    — Je ne comprends pas.
    — Venise est libertine. Et l’on parle davantage d’amour dans ces couvents reconvertis en salons mondains qu’en chaire des églises.
    — Je vois, déclara Mary en souriant.
    Cork s’étira et se leva.

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