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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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traquer.
    Mary se glaça, mais n’en laissa rien paraître.
    — M. de Baletti y a-t-il succombé lui aussi ?
    — Baletti ? D’une certaine manière, oui, mais elle n’a pas obtenu de lui ce qu’elle convoitait.
    — Et que convoitait-elle ?
    — Maria, Maria ! Que vous voilà curieuse.
    — C’est ainsi que vous m’aimez, glissa-t-elle en lui coulant un œil brûlant, endormant sa possible méfiance.
    — C’est exact, avoua-t-il. Curieuse et effrontée. Mais j’ignore de quoi il s’agit en vérité. Emma de Mortefontaine ne donne jamais vraiment. Elle se contente de promettre. Faisant de tout homme un valet.
    — L’êtes-vous ?
    — Quoi ?
    — Son valet ? L’êtes-vous ?
    Il fouilla son regard sans parvenir à le lui faire baisser. Mary avait appris à tricher. Ses yeux brillaient, mais pas de l’inquiétude et de la tendresse qu’ils trahissaient.
    — Vous avez raison. Vous méritez de goûter ce qui vous effraie. Je vous aime, Maria. Et, pour vous le prouver, je vais vous offrir Venise. Venise et tous ses excès.
    — Je n’en demande pas tant, objecta Mary, inquiète soudain de ce que cela supposait.
    — Ayez confiance en moi, susurra-t-il. Vous vous rassasierez pour mon bonheur et le vôtre. Ensuite, lorsque vous serez convaincue que le plaisir d’amour n’est pas celui d’aimer, alors vous serez mienne et cesserez de craindre toutes les autres.
    Mary hocha la tête. Elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle le laissa l’attirer à lui et s’abandonna une fois encore à ses baisers.
     
    *
     
    Clément Cork activa le pas vers la demeure de Baletti, le front et la silhouette noircis par une ample cape sombre. Les affaires de Boldoni et de l’ambassadeur étaient florissantes. Quatre pirates s’employaient à ravitailler les Impériaux, remettant à l’un des matelots de Cork qui les avait recrutés l’argent des tractations. Cork se chargeait ensuite tous les mois de récupérer le pécule et de le donner en main propre à l’ambassadeur avec son rapport. Puis, le laissant satisfait de son butin, il s’évanouissait dans Venise, semant dans les dédales et passages secrets qu’il connaissait bien ceux qui se seraient hasardés sur ses traces. Cela fait, il rejoignait son véritable maître et ami.
    L’air était insupportablement lourd ce 24 novembre 1701. Des éclairs dantesques crevaient d’épais nuages de bronze, et leur violence s’abattait de-ci, de-là. Cork n’en aima pas l’augure. Comme pour confirmer sa crainte, un fracas assourdissant ébranla Venise. Presque immédiatement, la lueur d’un incendie s’imposa. La foudre s’était abattue sur une habitation. En quelques minutes, tout un quartier flamberait. Il pria pour que l’orage crève sans tarder, noyant les flammes naissantes. D’autres éclairs foudroyèrent les palais, tandis qu’un vent violent rabattait en arrière le capuchon de sa mante. Clément accusa les premières gouttes sur son visage. Elles étaient larges et épaisses, mais elles le soulagèrent. Si elles enflaient en nombre et perduraient, l’incendie serait vite maîtrisé. Il avisa sur sa droite la maison dans laquelle, quelques mois plus tôt, Mary avait trouvé refuge. Elle appartenait à Baletti. Comme beaucoup d’autres dans Venise, d’allure abandonnée et sinistre, elle servait de lieu de réunion et d’hébergement aux amis ou relations de passage du marquis. Il ne tenait pas à ce que ceux-là, impliqués de par le monde à répandre ses idées humanistes, soient repérés chez lui. Cork en détenait toujours les clés à son trousseau. Il décida de s’y abriter au moment même où un véritable déluge s’abattait sur la ville, crépitant sur les eaux sombres de la lagune. Il était déjà trempé.
    A peine entra-t-il qu’il découvrit un courrier à terre dans le vestibule. Il le ramassa. Le destinataire en était Mary Read. Il aurait pu aisément le lui faire parvenir. Au lieu de cela, sa curiosité l’emporta. Le décachetant sans hésiter, il en prit connaissance, s’étonnant aussitôt qu’il fût de Claude de Forbin. Visiblement, Mary le tenait informé de sa vie vénitienne puisque Forbin l’encourageait à la méfiance à son égard. Il lui racontait aussi les exploits de son fils dans les perroquets, assurant à Mary que, si l’enfant se languissait d’elle, il avait retrouvé le goût de vivre sur La Perle.
    Cette lettre levait une part du mystère qui intriguait tant Clément

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