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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tort, cette fois. Une sueur froide glissa le long de sa colonne vertébrale. Excitante comme la peur. D’instinct, elle retrouva la sensation qu’elle avait éprouvée autrefois, avant les abordages. Les lèvres du marquis s’attardèrent au creux de ses reins, remontèrent jusqu’à sa nuque, lentement, pour en déguster le sel. Elles revinrent à son oreille.
    — Vous me craignez, Maria, je le sens. Vous m’imaginez cruel. Pourquoi ?
    — Peut-être ai-je mes raisons pour cela, répondit-elle, la gorge nouée.
    — Me les direz-vous ? demanda-t-il en pressant son corps nu contre ses fesses.
    Elle en frémit tout entière. Malgré son angoisse, et la certitude que cet homme était son ennemi, elle ne pouvait nier le désir qu’il lui inspirait. Fascination étrange. Suicidaire peut-être. Inconsciente. Bouleversante.
    — Vous me tueriez, avoua-t-elle.
    — Vous vous trompez, Maria. Je ne veux que vous absoudre.
    Elle ricana, tandis qu’il l’effleurait du bout des doigts.
    — Le parieriez-vous, monsieur ?
    — Trop tard, chuchota-t-il. Les jeux sont faits.
    — Qu’est-ce à dire ?
    — Savez-vous quel stratagème était employé par Torquemada, ce grand inquisiteur espagnol, pour faire sortir le démon du corps des possédés ?
    Malgré la brûlure indécente de ses caresses, la peur, insidieuse, la fit frissonner de nouveau.
    Baletti se pressa un peu plus contre ses reins. Mary s’en troubla davantage, tiraillée entre l’envie absolue de fuir et celle de rester.
    Toute à ces sensations contradictoires, elle le laissa lui écarter les jambes, s’en repentant aussitôt en réalisant que deux fers venaient de se refermer sur ses chevilles.
    Quelqu’un s’était empressé de l’écarteler. Boldoni, supposa-t-elle. Il était évident qu’il se trouvait tout près. L’espace d’un instant, elle l’avait oublié. Il avait tout entendu. Cette perspective la mit plus encore mal à l’aise.
    Les sens aux aguets, elle perçut des mouvements dans la pièce, des bruits de pas feutrés, des glissements de fauteuil sur le plancher. Elle comprit que Baletti se nourrissait de son angoisse, de son trouble, faisant durer le supplice de son attente.
    — Les orties, finit-il par chuchoter à son oreille. Rien de tel que leurs caresses pour exorciser une âme rompue à la luxure.
    Mary perçut alors la morsure légère des feuilles à l’intérieur de ses cuisses. Elle serra les dents, domptée par ce désir sensuel et sauvage qui naissait.
    — Dans quelques minutes, cet agacement vous deviendra insupportable. Vous rêverez de mains pour vous apaiser sans pouvoir y satisfaire. Vous vous tordrez devant votre tribunal pour que l’un des jurés réunis ici vous pardonne vos péchés. Mais aucun d’eux ne viendra, car ils ont misé une fortune sur leur capacité à vous résister. Vous ne pourrez rien y faire, sinon prendre la mesure de vos vices. Vous avez voulu jouer avec le feu, Maria. Il est temps de vous y brûler, acheva-t-il en s’écartant d’elle.
    — Pourquoi ?
    — Parce que vous valez mieux que cela, je le sais. Qui que vous soyez.
    — Serez-vous l’un d’entre eux ? demanda-t-elle, en proie déjà aux tourments qu’il lui prédisait.
    — Qui sait, Maria ? Qui sait ?
    Il advint un moment où elle perdit pied, abjurant toute notion de bien ou de mal, d’orgueil et de vanité. La respiration saccadée de ses spectateurs invisibles se joua de la sienne. Leurs gémissements s’attelèrent à ses cris, à ses injures, dans une sarabande terrifiante où plus rien n’avait de sens.
    Elle n’aurait pu dire combien de temps cela dura. Il lui sembla une éternité. Lorsque le silence gagna la pièce et qu’elle comprit y être seule et abandonnée, elle se mit à pleurer. L’image de Niklaus ainsi crucifié la rattrapa comme un coup de poignard en plein cœur. Elle hurla. De honte et de désespoir mêlés.
    On la détacha de longues heures plus tard, lorsque de lui-même le venin fut distillé. Du terrifiant désir qui l’avait habitée ne restait qu’un souvenir. Elle était épuisée. La servante qui ôta le masque de ses yeux la soutint jusqu’à l’un des fauteuils et l’aida à repasser sa robe de nonne.
    — On va vous raccompagner, dit-elle sans compassion.
    Mary hocha la tête et se laissa emmener, vaincue.
    Le marquis de Baletti avait raison, elle n’avait obtenu que ce qu’elle méritait.

9
     
     
    L e lendemain, la mère supérieure l’envoya

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