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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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activités. Ne niez pas, je les ai interceptées.
    — Soit, consentit Boldoni. Alors pourquoi me dénoncer aujourd’hui au doge par l’intermédiaire de ce courrier ?
    — Pourquoi ? demanda Baletti en se levant pour s’approcher de la croisée.
    La nuit descendait sur Venise. L’air en était doux. Même les chants d’oiseaux se faisaient plus discrets. Il fit face à son voisin en soupirant.
    — Pour que vous ne puissiez refuser la proposition que je suis venu vous faire.
    — Il s’agit donc d’un chantage, marquis ?
    — Je n’aime pas ce terme, mais il convient en effet.
    — Vous avez tout. Que pourrais-je avoir qui vous plaise au point que vous vous y abaissiez ? Vous qui ne cessez de distribuer aux miséreux ce que vous possédez. Vous si clément à l’égard de tous. Vous que j’imaginais sans faiblesse.
    Baletti ne s’étonna pas que Boldoni ait découvert une petite partie de son secret. Les lettres à l’attention d’Emma le lui avaient appris.
    — Tout le monde en a, Giuseppe. Tout le monde. Mais vous avez raison. Vous m’avez ravi ce que je convoitais. Je pensais que vous vous en lasseriez. Il n’en est rien, vous venez vous-même de me le confirmer.
    — Maria ! comprit aussitôt Boldoni.
    Il crispa ses mains sur les accoudoirs.
    — Pourquoi elle, marquis ? Il n’en est pas une à Venise qui ne rêve de vos bras. Est-ce pour me punir de ma trahison ?
    Baletti soupira. Il n’aimait pas ce qu’il était en train de faire. Boldoni était joueur, mais pas dangereux.
    — Je ne vous en veux pas, Giuseppe. J’aurais des raisons, certes, mais ce n’est pas dans ma nature. Quant à vous nuire par plaisir, vous l’avez dit vous-même : si j’en avais eu le goût, je l’aurais fait depuis longtemps. La vérité est plus désagréable. Comme vous, je suis amoureux.
    — Amoureux de Maria ? ricana Boldoni. J’avais raison de ne pas vouloir vous mettre en présence. Mon instinct ne s’y était pas trompé.
    — Croyez que j’en suis navré. C’est un sentiment qui ne m’a pas saisi depuis fort longtemps et je ne peux me résoudre à le laisser passer.
    — Pensez-vous qu’il s’agisse d’une esclave que l’on puisse céder ainsi ? Elle rejettera ce marché ignoble. Elle m’aime.
    — Je saurai l’en guérir.
    Boldoni se leva. Sa main tremblait de colère et de frustration en attrapant la bouteille de porto pour se resservir un verre. Il l’avala d’un trait.
    — Et si je refusais ?
    — Alors cette lettre partira et la République saura que vous et votre ami l’ambassadeur trafiquez. Je doute que cela plaise au Grand Conseil. Vous serez arrêtés, déchus et emprisonnés après un jugement public que vous ne supporterez pas davantage que Maria. Et je serai là pour l’en consoler.
    — Ainsi donc, vous ne me laissez pas le choix, grinça-t-il.
    — Vous en guérirez. Vous l’avez toujours fait. Moi pas. En échange, j’accepte d’oublier ce que je sais. Fermer les yeux sur votre trahison me coûte autant que perdre Maria pour vous, croyez-moi.
    — Allez au diable, Baletti ! Mais accordez-moi une faveur. Qu’elle ignore ce à quoi vous m’avez contraint.
    — Il en sera fait comme il vous plaira. Je vous donne une semaine pour organiser ce petit jeu qui l’écartera de vous. Je vous informerai demain des modalités.
    Baletti s’effaça, refusant d’ajouter encore à la douleur de Boldoni. Elle était sincère, il le savait.
    — Bonsoir, dit-il simplement en sortant de la pièce pour regagner sa demeure.
    Boldoni ne répondit pas. Il s’empara de la bouteille de porto et la vida.
     
    *
     
    — Enfin, Maria ! Enfin vous et moi… chuchota le marquis de Baletti à l’oreille de Mary.
    Il avait un timbre particulier qu’elle aurait reconnu entre mille, étonnamment grave.
    — Je l’ai espéré de nombreuses fois, marquis, répondit-elle, ravie de voir que Boldoni avait enfin cédé à son caprice.
    — Vous ne l’auriez pas dû, Mary Read, murmura Baletti.
    Elle se figea, soudain glacée.
    Elle s’était laissé masquer et attacher pour plaire à son amant. Nue. Debout. Les mains jointes au-dessus de sa tête, maintenues par des lacets de soie à un crochet fixé au plafond du petit boudoir de la demeure de Boldoni. Depuis qu’elle avait exigé de découvrir les jeux sensuels de Venise, celui-ci lui avait appris à les aimer.
    L’évocation de son véritable nom dans la bouche de Baletti prouvait qu’elle avait eu

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