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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s’attarder.
    — J’ai une proposition à vous faire, mon cher. Mais elle exige plus grande discrétion encore que d’habitude.
    — Je vous écoute.
    — Comme vous l’avez remarqué, cette guerre, si elle ne nous touche pas, gâte toutefois notre commerce. Or nous pourrions en tirer avantage. A la condition pour vous d’oublier qui vous servez, ajouta Boldoni.
    — Que serait le roi pour me juger, quand lui-même sert avant tout ses intérêts ?
    — Nous nous comprenons donc, se réjouit Boldoni. Les Impériaux ont des difficultés à se ravitailler en armes et en vivres à cause de la neutralité de la Sérénissime. Nous pourrions leur fournir ce qu’ils désirent. Qu’en pensez-vous ?
    — J’en pense, mon cher ami, que c’est une excellente idée, s’enthousiasma l’ambassadeur. Bien évidemment, il faut s’entourer d’une grande prudence. Si cela se savait, Venise pourrait être accusée d’avoir rompu son traité et le Grand Conseil chercherait les coupables.
    — Voilà pourquoi il nous faudrait un navire autre que ceux que nous affrétons. Quelque pirate, par exemple, facile à soudoyer.
    — Je crois avoir l’homme qui convient, répliqua Hennequin de Charmont. Clément Cork, qui surveille si bien nos convois d’ordinaire, pourrait s’en charger sans difficulté. Il est malin et insaisissable, et, dans le pire des cas, très facile à sacrifier. Retournez donc à vos amours, Giuseppe. Je m’occupe de tout.
    Boldoni se leva, le remercia pour son hospitalité et le quitta sans regret. Si l’affaire tournait mal, il se débrouillerait pour que seul l’ambassadeur y soit mêlé. L’esprit guilleret, il enjamba la coque de la gondole et s’empressa de rejoindre sa demeure où, comme chaque jour à la même heure, Maria Contini l’attendait pour le combler.
     
    *
     
    Clément Cork croisait au large de Malte lorsqu’il reçut le courrier de Baletti. Cela faisait une semaine déjà qu’il attendait ses ordres concernant la mission que lui avait confiée l’ambassadeur.
    Servez les intérêts de M. Hennequin de Charmont, écrivait Baletti, en réponse aux renseignements que lui avait transmis le capitaine du Bay Daniel. Si vous ne le faites, un autre s’en chargera et nous en serons bien moins informés. Accumulez des preuves sans vous impliquer. Et veillez à ce que les pirates que vous recruterez pour ravitailler l’Empire soient bien de ces forbans qui tueraient père et mère par goût plutôt que par nécessité. Je n’aurai ainsi aucun remords à les entraîner dans la chute de leurs maîtres. Car Hennequin de Charmont tout autant que M. Boldoni devront tôt ou tard être punis pour avoir osé ainsi bafouer l’autorité de Venise et son traité.
    Soyez prudent, mon ami. Je n’aimerais pas voir votre tête tomber.
     
    Cork fut satisfait. Ils partageaient le même sentiment. L’ambassadeur et Boldoni étaient allés trop loin à son goût. Il s’employa donc à les servir pour mieux les perdre, mais aussi pour se changer les idées. Car il avait beau s’activer sur le Bay Daniel, retrouvant avec un réel plaisir les embruns et le roulis de sa frégate, Clément Cork était frustré. Frustré de constater que Mary Read s’offrait sans retenue sous l’identité d’une autre alors qu’elle lui avait refusé le simple aveu de sa féminité. Son orgueil en souffrait. Lui que tant de femmes espéraient, de la servante à la comtesse, n’avait pas eu l’heur de plaire à celle qui justement l’intéressait par sa différence. Il n’avait pas parlé d’elle au marquis de Baletti. Mary aurait tout aussi bien pu le séduire s’il avait été sa cible. Or c’était auprès de Boldoni qu’elle passait ses journées.
    Il ne savait s’il devait s’en réjouir ou s’en désoler. Il s’en était rassuré dans un premier temps. Boldoni était la fausseté même. Cork était persuadé que celui-ci n’avait approché Baletti que pour mieux le surveiller. Le marquis le lui avait accordé :
    — Je sais qu’il renseigne Emma de Mortefontaine à mon sujet. C’est de bonne guerre ! Sois sans inquiétude, mon cher Clément. Il ne voit que ce que je lui laisse voir et donne à cette dame ce que je veux bien lui concéder. De plus, qui, à ton avis, surveille le mieux l’autre ? Celui qui s’abaisse à servir, ou celui qui domine la situation dans son entier ?
    Mary avait parlé de vengeance. Si elle avait quelques griefs contre Boldoni, cela n’avait rien de

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