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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Cork. Les dernières lignes pourtant lui piquèrent le cœur :
     
    Je sais, écrivait Forbin à Mary, que tu trouveras la détermination et le courage de te guérir de ta souffrance. Même si ce Baletti n’a pas été la main qui t’a endeuillée, il en est complice et mérite le châtiment que tu lui promets. Sache que je suis à tes côtés par le cœur et la pensée.
     
    Cette fois, le doute n’était plus permis. C’était bien le marquis, et non Boldoni, que Mary Oliver Read était venue traquer à Venise. Il devait absolument l’en informer.
    A peine l’orage se fut-il éloigné qu’il se dirigea vers le pont du Rialto pour gagner l’hôtel particulier de Baletti.
     
    *
     
    — J’aurais dû vous en parler avant, s’excusa-t-il comme Baletti fronçait le sourcil à la lecture de la lettre. Croyez-vous que Mary Read ait été envoyée par Emma de Mortefontaine pour vous dérober le crâne de cristal ?
    Baletti noua ses mains dans son dos et s’avança jusqu’à la croisée ornée de vitraux. Il était troublé.
    — Je ne crois pas, non. Il y a autre chose entre ces lignes. Autre chose que la cupidité d’Emma. Quelque chose de douloureux, d’ignoblement douloureux. Quelque chose de si désespéré qu’il pousse cette femme, que tu me décris prude et méfiante, à se conduire comme une catin pour m’approcher. Il faut beaucoup de courage pour cela. Autant pour se venger. Du courage ou de l’inconscience. La vengeance est infiniment destructrice, Cork.
    — Que comptez-vous faire ? demanda celui-ci, ennuyé de la tournure des choses, et de sentir Baletti dans le vrai.
    — La sauver malgré elle et tenter de comprendre le pourquoi de sa haine à mon égard.
    — N’est-ce pas risqué, monsieur ?
    Baletti se retourna vers lui, affichant un étrange sourire.
    — Qu’est-ce que le danger face à une âme en peine, Clément ? Qui serais-je pour m’en détourner sans agir ? Ne t’inquiète plus de cela. Je vais arracher ton amie aux griffes de Boldoni. Ce sera difficile, car je le sais épris d’elle, il me l’a avoué. J’en trouverai le moyen. Quand cesses-tu tes activités ?
    — Cet orage présage le gros temps. Je serai de retour, et le Bay Daniel à l’abri pour l’hiver, sous quinzaine.
    — Bien. Sois prudent jusque-là. Je compte sur toi.
    — Vous le pouvez, marquis.
    Cork se retira, rassuré sur le sort de Mary, laissant Baletti à ses sombres pensées.
    « Qui es-tu, Mary Read ? Que t’ai-je donc fait que tu sois prête au pire pour me condamner ? » La buée de son murmure dessina une face simiesque sur les vitraux colorés. Baletti soupira et l’effaça d’une main lasse.
     
    *
     
    Boldoni ne s’étonna pas de la visite de Baletti. Il s’était attaché à ses pas depuis qu’Emma de Mortefontaine le lui avait demandé, lui promettant mille récompenses en échange de ce service.
    — Cher ami, l’accueillit-il en lui donnant l’accolade. Pardonnez-moi de vous négliger ainsi depuis quelque temps. Mais mon mal d’amour empire et vous savez ce qu’il en est. Plus on le soigne, moins on paraît.
    — Ne vous excusez pas, Giuseppe, assura Baletti, acceptant le siège que son voisin lui présentait. Avez-vous toujours de cet excellent porto que vous expédie votre frère ?
    — Et comment ! Il sait que mon courroux serait terrible si je venais à en manquer.
    Il laissa Baletti s’installer tandis qu’il s’empressait de remplir deux verres de cette liqueur délicatement ambrée.
    Baletti attendit d’avoir récupéré son verre et d’y avoir trempé ses lèvres pour juger.
    — Il est inégalable, je le confirme.
    — Vous me voyez heureux de vous plaire, répliqua Boldoni en s’installant face à lui dans ce petit salon où, quelques heures plus tôt, il avait aimé Mary.
    — Vous le serez moins lorsque vous lirez ceci, déclara Baletti en lui tendant un feuillet.
    — Qu’est-ce ? demanda Boldoni en le saisissant.
    Il le parcourut et blanchit aussitôt. Son œil se fit glacial. Son ton aussi.
    — Que dois je comprendre ?
    — Allons, mon cher, s’amusa Baletti en se calant entre les bras du fauteuil. Vous trafiquez depuis cinq années, et de façon extrêmement déplaisante depuis quelques mois, vous servant de notre amitié pour couvrir vos intérêts. Croyez-vous que cela m’ait échappé ? Et je ne parle pas de ces lettres que vous faites parvenir à Emma de Mortefontaine, l’informant régulièrement de mes

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