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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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écorchât l’œil. Jamais Mary n’avait rencontré un tel étalage de richesses, pas même à la cour du roi Jacques. L’ensemble présentait tant d’équilibre et de perfection qu’on s’y sentait en paix. Un parfum d’écorce d’orange et de bois musqué flottait partout, différent de ces odeurs de cire si communes ailleurs. Quant aux nombreux livres, Mary ne put s’empêcher de noter la préciosité des reliures, des enluminures et des caractères d’imprimerie. Sophocle et Aristote côtoyaient Corneille, Racine et Molière, Rabelais voisinait avec Erasme et Paracelse avec Shakespeare. Sur un lutrin, un ouvrage anatomique offrait ses planches détaillées ; sur un autre se trouvait un bestiaire mythologique précieusement enluminé ; sur un troisième encore, on voyait s’épanouir des boutons de roses.
    On sonna l’heure du souper qu’elle n’avait pas encore tout exploré du rez-de-chaussée.
    — Il me semble que plusieurs de vos statuettes sont fort anciennes, observa Mary tandis qu’on les servait.
    Elle n’avait pas vu le marquis du restant de la journée.
    — Elles le sont, en effet, certaines viennent de Perse, d’autres de Chine ou d’Asie. Plusieurs jours, voire plusieurs semaines, vous seront indispensables pour découvrir l’ensemble des trésors de ce palais. Deux siècles ont été nécessaires à ma famille pour les assembler, j’en aurai au moins besoin d’autant pour les contempler et m’en rassasier.
    Mary sourit, moqueuse.
    — Il vous faudrait être divin pour atteindre un âge aussi avancé.
    — Certaines vérités échappent à l’entendement des hommes.
    — La vérité, monsieur, c’est que nous sommes mortels, quelle que soit notre destinée, assura-t-elle, refusant de penser à maître Dumas et à son étonnante longévité.
    — Croyez-le, Maria. Pour l’instant.
    — Cachez vous l’immortalité dans cette pièce dont l’accès m’est interdit ? demanda-t-elle.
    — Peut-être. L’avez-vous trouvée ?
    — Une porte m’a résisté, je suppose que c’est celle-ci. Il suffirait d’un seul de ces bibelots pour rendre richissime le moindre voleur. Votre fortune semble inestimable. Que cachez vous donc qui soit plus précieux encore ?
    Son regard se fit triste.
    — Je ne cache rien, mon amie. J’écarte simplement de vous la seule chose qui soit trop dangereuse pour être regardée ou touchée.
    — Allons donc ! Vous entretenez ce mystère uniquement pour m’en régaler, le nargua-t-elle, désirant le forcer à se dévoiler.
    — Gardez-vous loin de cette porte, Maria. Bientôt, je l’espère, je vous révélerai ce que j’en sais. C’est encore trop tôt.
    — Je n’aime pas les supplices de Tantale, avoua-t-elle en le fixant droit dans son regard de jais.
    — Et moi, je crois que si, sans quoi vous seriez restée au couvent au lieu d’en déménager !
    Le bas-ventre de Mary s’embrasa de nouveau et elle regretta d’avoir provoqué le marquis.

10
     
     
    L a couperose de M. Hennequin de Charmont s’enflamma sous le coup de la contrariété.
    — C’est fort ennuyeux, ce que vous me racontez là, mon cher. Et vous prétendez que Baletti aurait des preuves de notre culpabilité ?
    — Je les lui ai réclamées dès le lendemain de ce pénible entretien.
    — Bien sûr, consentit l’ambassadeur qui ajouta aussitôt : Vous vous en remettrez. Quoi que je doive admettre que votre Maria…
    Le regard noir de Boldoni figea le reste de sa phrase.
    — Baletti possède bel et bien le registre de nos activités et les sommes que cela nous a rapportées.
    — Ce n’est pas suffisant pour nous accuser. Il lui faudrait le témoignage de Cork en plus.
    — Eliminons-le, suggéra Boldoni.
    — Pas encore. Tant que cela n’est pas indispensable, je préfère qu’il protège nos intérêts. Nous serons toujours à temps d’agir si Baletti revient sur la parole qu’il vous a donnée.
    — Comme vous voudrez. Une chose encore. Vous souvenez-vous d’Emma de Mortefontaine ?
    L’ambassadeur poussa un soupir désespéré.
    — Comment l’oublier ? Elle est la plus belle femme qu’il m’ait été permis de croiser.
    — Pour des raisons que j’ignore, elle m’a demandé avant son départ de Venise de m’attacher aux pas du marquis de Baletti, de devenir son ombre et de lui en rapporter régulièrement les moindres faits et gestes.
    — Encore une qu’il aura séduite et qui cherche à se faire épouser, s’égaya

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