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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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bien être là pour les protéger, elle et son fils.

12
     
     
    L e carnaval touchait à sa fin. Cette perspective conduisait les Vénitiens à une débauche plus grande encore, comme s’il fallait ne rien perdre de ces dernières heures. On ne parlait presque plus que d’amour dans les salons. A mots couverts, car certains patriciens du Grand Conseil, fidèles aux idées puritaines du doge, se scandalisaient de cette image libertine.
    — L’honneur de Venise se porte ailleurs, et bien plus humainement, avait rétorqué Baletti à l’un d’eux. L’honneur de Venise est dans sa neutralité et dans son refus des conflits. Il me plaît mieux que l’on meure d’aimer que de la soif de conquête.
    Le patricien en était convenu à regret, tout en décrétant que l’honneur serait mieux porté s’il s’auréolait d’un peu de retenue. Baletti le lui avait accordé et les deux hommes s’étaient entendus.
    Cette remarque avait plu à Mary, qui avait reçu la veille un courrier de Forbin l’instruisant de ses doutes concernant un éventuel trafic.
    Elle l’avait rassuré aussitôt, lui expliquant ce qu’elle avait découvert des activités de Cork et de Baletti. Elle était persuadée que, si Cork était coupable de contrebande, ce n’était que pour servir les miséreux et non les Impériaux. Baletti lui avait montré depuis un œilleton au grenier ce long cheminement de gondoles que la nuit venue amenait jusqu’à sa porte.
    — Pourquoi la salamandre ? avait-elle demandé, s’étonnant des armoiries particulières au fronton de la porte du palais.
    — Parce qu’elle se régénère au soleil. Parce qu’elle brave le feu pour survivre, parce qu’elle ne recule jamais devant la difficulté. C’est un symbole. C’était aussi l’emblème du roi François I er .
    — Et ce visage de cristal sur lequel elle repose a-t-il une signification, lui aussi ? avait-elle enchaîné, réalisant soudain qu’il s’agissait peut-être de ce que Baletti appelait le crâne de cristal.
    — Le cristal attire et reflète la lumière. Vous avez dû vous en rendre compte lorsque vous êtes revenue l’autre soir. Le moindre rayon l’anime et guide ces gens vers ma porte sans qu’ils sachent que je me cache derrière. Ce n’est pour eux qu’un point de ralliement, rien de plus.
    Mary n’avait pas insisté.
    Forbin ne devait pas s’inquiéter pour elle. Elle maîtrisait la situation tout en demeurant sur ses gardes, lui avait-elle écrit pour le rassurer. Elle l’avait aussi remercié de sa franchise, appréciant de recevoir le courrier de Corneille qu’il avait avoué avoir subtilisé par jalousie. Elle lui avait dit son bonheur de les savoir réconciliés et lui avait annoncé qu’elle attendrait jusqu’à l’été de voir Emma paraître. Si cela n’était, elle quitterait Venise pour les rejoindre sur La Perle.
    Elle n’avait pas menti, même si, depuis qu’elle avait découvert la vraie nature de Baletti, celui-ci la troublait davantage encore. Chacun de ses regards était une brûlure, le moindre effleurement changeait son corps en brasier. Elle n’osait le provoquer pourtant. Il aurait suffi qu’elle parle, elle le savait, mais que lui dire ? Je vous ai soupçonné à tort d’être un meurtrier ? D’avoir commandité l’assassinat des miens, d’être l’allié de ma pire ennemie ? Je vous ai haï et ne suis demeurée à vos côtés que pour me venger ? Le courage lui manquait. Elle n’avait pas envie de le décevoir, encore moins de le blesser.
    Baletti n’était pas comme les autres. Il méritait respect et confiance. L’attendre était sans doute le seul moyen qu’elle possédât pour le remercier de ce qu’il était. Elle se souvint de cette conversation qu’elle avait eue autrefois à Douvres avec Emma. Mary s’était révoltée d’imaginer que les gens ne songeaient qu’à leur intérêt, certaine qu’il existait au moins un être différent des autres, pour qui l’argent et le pouvoir n’auraient aucun attrait. Emma s’était moquée, assurant que celui-là serait fol ou demeuré. Baletti n’était ni l’un ni l’autre. Peut-être parce qu’il possédait bien plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer.
    Une part de plus en plus grande d’elle lui appartenait, acceptant cette dépendance charnelle qu’il lui inspirait par la frustration. Comme s’il avait pu le sentir, profitant des derniers jours du carnaval, il l’avait entraînée, masquée et

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