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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l’atteignait personnellement.
    Il était assez âgé et proche du doge.
    — Calmez-vous, mon cher. Je respecte trop la Sérénissime pour lui faire un tel affront. Nombre de gens pourraient trouver un intérêt personnel à trafiquer dans nos eaux. Je suis persuadé que c’est là que M. de Forbin devrait chercher les coupables. Le Grand Conseil serait bien inspiré de l’y aider, au lieu de s’en moquer.
    Le patricien se calma aussitôt et passa une main lasse dans ses cheveux argentés.
    — Vous êtes un homme sensé, marquis. Je répéterai votre argument au doge.
    Baletti le remercia d’un hochement de tête. Lorsqu’il releva les yeux, Mary put voir qu’il observait l’ambassadeur. Hennequin de Charmont était livide et faisait des efforts pour se contenir. Mary l’apostropha :
    — Vous voici bien pâle, monsieur, auriez-vous quelque migraine ?
    L’ambassadeur lui coula un regard noir, et Baletti s’interposa.
    — Cette vésicule vous importune encore, à ce que je vois. Vous devriez limiter vos excès. En période de carnaval, nous y sommes tous sujets. Je vous ferai porter un de mes élixirs de santé.
    — Vous êtes trop bon, grimaça l’ambassadeur.
    — Cessez plutôt de vous biler avec cette histoire, relança le patricien. M. de Baletti a raison. Ni la France ni Venise ne sont opposées dans cette affaire. Si Forbin persiste dans ses accusations, nous y mettrons bon ordre. Il est possible que le mal soit passager, après tout. Mais je comprends que cela vous chagrine. Votre position est inconfortable.
    — En effet, accepta l’ambassadeur, retrouvant quelques couleurs.
    Mary n’insista pas. D’autant qu’il glissait vers elle un œil rancunier.
    — Je vous laisse, messieurs, décida le patricien en se levant. J’ai déjà trop tardé et mon épouse pourrait s’imaginer que je coquine dans quelque casino.
    Il s’inclina et prit congé. Hennequin de Charmont se tourna vers Baletti et susurra :
    — A propos, mon cher, viendrez-vous au palais Foscari ce soir pour la clôture du carnaval ? Je suis sûr que Maria et vous y serez fort prisés. Nous apprécions tant ces petits jeux que vous organisez.
    Ce fut au tour de Mary de blanchir et de baisser les yeux sur le sourire carnassier qu’il lui adressait.
    — Qui sait, lui répondit le marquis, ajoutant à son trouble. Qui sait…
    Il se leva et prit congé. Mary en fit de même, bouleversée.
    — Souriez et redressez la tête, lui ordonna Baletti en aparté.
    Elle obéit, blessée. Le silence les enveloppa durant tout le trajet. Mary aurait voulu le briser, mais elle s’en sentait incapable. Baletti semblait perdu dans ses pensées. Les mêmes, sans doute. Elle n’avait pas besoin d’un bûcher, ce soir, pour se sentir condamnée.
    — J’ai à faire, dit-il simplement en arrivant au palais. Retrouvons-nous au souper, voulez-vous ?
    Mary le laissa partir. Elle monta l’escalier avec un reste de dignité, puis referma sur son trouble la porte de sa chambre.
    Elle se dirigea vers sa coiffeuse pour se redonner un coup de peigne avant le souper, en approchant le chandelier. Elle faillit le lâcher tant elle se mit à trembler. Elle le posa devant le miroir à côté d’un bouquet.
    Un bouquet d’orties qui servaient d’écrin à une rose de soie blanche. Un billet y était accroché.
    Mary l’ouvrit.
    « Portez-la, disait-il. Ce soir. Pour moi seul. »
    Suivaient la signature du marquis et un carton d’invitation à une fête. Celle du palais Foscari dont l’ambassadeur venait de parler.
    Mary se laissa choir sur le lit, face à ses démons. Partagée entre le désir et la crainte. Entre l’envie de résister et celle de se soumettre. Elle demeura indécise et immobile, les yeux rivés sur le bouquet, jusqu’à ce qu’on sonne l’heure du souper.
    Le repas durant, Baletti ne fit aucune allusion à la fête. Il aborda maints sujets, la forçant à converser sur tout, quand un seul lui tenait le ventre. Comme d’ordinaire, il la fit rire et fut aussi agréable et courtois qu’il savait l’être.
    Lorsqu’il se leva, le repas achevé, pour lui retirer sa chaise, Mary demanda d’un ton faussement désinvolte :
    — À quelle heure voulez-vous que nous nous rendions au palais Foscari ?
    — Soyez prête à neuf heures. Un gondolier vous y emmènera.
    Le cœur de Mary se serra.
    — Vous ne m’accompagnez pas ?
    Le regard de Baletti se fit brûlant.
    — Je vous y retrouverai. Plus

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