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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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franchit le seuil du bouge qu’un brouhaha de musique et de voix emplissait, et se fraya un passage dans la fumée des pipes. Il avisa Corneille occupé à un bras de fer avec un autre. Autour de la table, des paris fusaient, et Corneille était loin d’être donné gagnant, semblant souffrir sous la poigne de son vis-à-vis.
    Cork écarta le public pour se placer au premier rang. Les hommes misaient par l’intermédiaire de l’un d’entre eux, qui les haranguait avec un accent marseillais prononcé. Tous avaient le regard rivé sur les muscles saillants des lutteurs. Les veines gonflées qui marbraient leurs bras semblaient prêtes à éclater sous l’effort.
    — Tu vas en crever ! cria un matelot à Corneille. Cède, cornebleu !
    Les deux hommes ahanaient et transpiraient, mais Cork ne fut pas dupe. Il relança les paris qui se mouraient pour le plus grand bonheur du Marseillais. La somme était conséquente et força les autres à suivre. Corneille leva un œil et avisa son sourire railleur. En un instant, ils retrouvèrent leur complicité d’antan.
    — Il est temps d’en terminer. Je fatigue, décida-t-il, libérant enfin la puissance de son unique poignet.
    Celui de son adversaire plia et s’effondra sur la table dans un craquement sinistre.
    — Ô, bonne mère ! Ça, c’est envoyé ! s’exclama le Marseillais.
    Il ramassa prestement le pécule, préleva sa part, paya les vainqueurs, tandis que les perdants s’éloignaient en commentant leur mauvaise fortune.
    — Sans rancune ? demanda Corneille à son adversaire en lui tendant sa main rougie.
    L’homme s’en empara.
    — Te t’ai sous-estimé. Faut jamais sous-estimer un manchot !
    Il serra sa main avec franchise et se leva. Cork s’installa aussitôt à sa place.
    — Comme autrefois, nota-t-il en souriant. Tu as juste changé de bras.
    — Par coquetterie, s’amusa Corneille. Quel vent t’amène, Cork ?
    — Un vent mauvais.
    — O bonne mère ! Je vais faire fortune avec toi ! les coupa le Marseillais, revenu vers leur table pour payer Corneille.
    — N’y compte pas trop, lui répondit celui-ci. Les matelots ne s’y laisseront pas prendre deux fois.
    — Dommage ! Il y a longtemps que je ne m’étais pas régalé comme ça ! Ah oui ! bonne mère, bien longtemps, renchérit le Marseillais en s’éloignant.
    Corneille compta son argent, le divisa en deux et en tendit la moitié à Cork.
    — Garde tout, refusa celui-ci. Ça m’a amusé.
    — Pas question, décréta Corneille. Notre petite combine marchait bien dans le temps, faut pas gâter le souvenir qu’on en a.
    Cork empocha la somme.
    — Revenons à ta visite. Tu sais que tu n’es pas en odeur de sainteté auprès de Forbin. S’il te savait ici, je doute qu’il te fasse ses compliments. Bon sang, Cork, tu t’es fourré dans une situation délicate, cette fois.
    — Moins que tu ne crois. Il faut que je parle à Forbin, justement.
    — Pour te faire pendre ?
    — Je ne peux rien te dire ici, ce serait trop risqué. Rejoins-moi à minuit à l’église. Juste derrière le bénitier se trouve un renfoncement qui mène à une crypte. Je vous y attendrai, Forbin et toi.
    Corneille hocha la tête, l’œil inquiet. Cork se leva pour sortir. Il ne tenait pas à ce qu’on le remarque trop en sa compagnie.
     
    *
     
    — Tu dis qu’il souhaite me parler, alors qu’il sait que je le veux pendu, s’étonna Forbin.
    — Il pourrait s’agir de Mary, répliqua Corneille qui s’était aussitôt empressé auprès de son capitaine resté à bord de La Galatée.
    — Je n’ai jamais révélé à Mary que tu connaissais Cork, avoua Forbin, alors comment celui-ci saurait-il que nous sommes liés ?
    — Je l’ignore, mais Cork ne se serait pas déplacé si ce n’était d’importance.
    — A moins de vouloir nous tendre un piège. N’oublie pas que je gêne ses activités. Il pourrait aussi chercher à m’éliminer.
    Corneille demeura songeur. Cette hypothèse ne l’avait pas effleuré. Même si elle lui semblait inconcevable, il ne pouvait totalement l’écarter.
    — C’est bon, décida-t-il. J’irai seul, c’est plus prudent. Je prendrai la mesure de ce qu’il veut.
    — En ce cas, c’est moi qui passerai pour un couard. Et il ne sera pas dit que le chevalier de Forbin se sera retiré devant le danger.
    Corneille l’arrêta.
    — Cependant, vous devez rester, capitaine. Il est possible que vous ayez raison. Cork peut ne plus être

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