Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
Corneille à Cork.
    — Regagner Venise et prendre mes ordres de Baletti. Rejoins le Bay Daniel, Corneille. C’est l’occasion rêvée. Forbin te croit mort ou prisonnier des Impériaux.
    Corneille le jaugea un long moment en silence. Cork avait raison pour Mary, pour Junior et pour tout le reste. Cela aurait été facile. Il se tourna vers l’enfant qui s’était rapproché de la fenêtre et ne perdait rien de la joute amoureuse qui se déroulait derrière les vitres. Il songea à Forbin. Cette solution réglerait définitivement leur rivalité. Mais elle pèserait comme une trahison sur sa conscience.
    — Je ne peux pas, Cork. Je ne peux pas enlever Junior à Forbin. Pas comme ça.
    — C’est pourtant ce qui arrivera, tôt ou tard. Réfléchis, Corneille, réfléchis avant d’atteindre la plage.
    Junior les empêcha de poursuivre. Il se faufila entre eux, au moment où Christophe sortait de la maison en s’étirant de bien-être.
    — Que tous les saints du paradis me damnent, lâcha-t-il, satisfait, cette bougresse a le diable au corps !
    Junior leva vers Corneille un visage rieur et lui adressa un clin d’œil.
    — Culbuter, c’est bien ça ?
    — Je ne crois pas que ta mère serait ravie que tu apprennes ça comme ça, soupira Corneille.
    — Oh ! jeta Junior en haussant les épaules, tu sais, maman, elle faisait ça aussi avec papa !
    Cork éclata de rire et jucha Junior sur ses épaules pour ne pas laisser affluer en lui des souvenirs plus noirs. Rejoints par Christophe, tous quatre descendirent la rue principale du petit village, puis empruntèrent le sentier pour gagner la grève. Leurs compagnons s’y trouvaient déjà, qui regardaient au loin La Galatée, La Gentille et le brûlot s’écarter de la côte, vraisemblablement pour rallier Ancône où ils pourraient réparer.
    Corneille soupira. Comme s’il avait lu dans ses pensées, Cork lui glissa en aparté :
    — Il semble que le sort ait décidé pour toi, vieux frère. Allons, dit-il plus fort. Le Bay Daniel est de l’autre côté, si nous voulons l’atteindre avant la nuit qui s’en vient, il faut nous hâter.
    — J’ai faim, annonça Junior.
    — Vous entendez, messieurs ? Notre mousse a faim ! Hardis donc ! Pressons le pas.
    Il se mit à courir et Junior à rire aux éclats.
     
    *
     
    Mary délira deux jours et deux nuits. Baletti était épuisé, ne sommeillant que lorsqu’elle s’apaisait. La fièvre ne tombait pas et des cernes violacés creusaient ses yeux. Baletti renouvelait sans cesse ses compresses froides, lui humectait la langue en permanence, l’obligeait à boire lorsqu’elle paraissait reprendre un peu de calme, mais elle n’était que cauchemar, que souffrance, comme si cette fébrilité avait arraché d’elle tout ce qu’elle avait enfoui au plus secret de son cœur et de sa mémoire.
    Baletti ne la quittait que pour satisfaire ses besoins naturels. Il avait fait condamner l’étage, exigeant qu’on lui dépose un plateau de victuailles en haut du palier. Jusque-là, personne n’avait encore été malade. Lui s’en moquait. Il retournait sans cesse les mêmes questions, taraudé par la même évidence douloureuse. Mary Read ne l’aimait pas. Seul ce Niklaus comptait. Il supposait qu’il était le père de ce fils laissé auprès de Forbin. Il devait être décédé puisqu’il ne se trouvait ni auprès d’elle ni auprès de l’enfant, mais Baletti se heurtait toujours au même point d’interrogation. De quoi Mary l’accusait-elle ?
    Hirsute, la barbe naissante, il n’était plus à son chevet qu’un mendiant, priant pour qu’elle vive, qu’elle l’entende, lui pardonne. S’activant sur ce corps meurtri afin de lui rendre un peu du bonheur qu’il s’était imaginé lui avoir donné ces derniers mois. Il savait à présent que cela n’avait été qu’un leurre. Il le supportait mal. Et puis, soudain, la révélation vint, d’un cri qui l’arracha du sommeil où il avait fini par se laisser aspirer au terme d’une seconde nuit de veille.
    — Emma ! hurla Mary. Je te tuerai pour ça !
    Mary avait écarquillé les yeux. Il les vit si emplis de haine que son cœur se brisa. Cela ne dura pas. Elle gémit et les referma, le souffle court et les battements de son cœur désordonnés.
    Baletti bondit et passa ses deux mains dans sa chevelure bouclée, poisseuse de la sueur de Mary. Il devait savoir. C’était intolérable, insoutenable. Elle ne pouvait le haïr à ce

Weitere Kostenlose Bücher