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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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point-là. Lui et Emma de Mortefontaine.
    Il ouvrit l’armoire et fit ce qu’il s’était refusé de faire jusque-là. Il fouilla pour trouver la vérité. Ses doigts plongèrent dans la botte de Mary et y rencontrèrent une masse, qu’il extirpa fébrilement. Il reconnut sans peine l’œil de jade à la description qu’en avait faite Emma.
    — Oh, mon Dieu, non ! supplia-t-il. Faites que ce ne soit pas ce que je crois !
    Il pivota vers le lit en serrant le bijou entre ses doigts, et le regard de Mary une nouvelle fois le foudroya. Redressée, assise, et consciente enfin, elle le fixait douloureusement en pleurant tout bas. Baletti tomba à genoux et hurla.

15
     
     
    M ary tenta de rassembler ses idées, ses souvenirs, mais sa migraine était si douloureusement intense qu’elle n’y parvenait pas. Une image floue se trouvait devant elle. Cet homme à genoux n’était pas Niklaus, cette chambre n’était pas celle de Breda, et visiblement elle n’était pas en train d’accoucher d’Ann Mary comme elle l’avait cru avant qu’Emma plaque son pistolet sur le front de son époux et la sorte de son délire.
    Mary fouilla ce regard qui désespérément s’accrochait au sien, tandis que la plainte vrillait ses tympans. Elle était incapable de savoir si elle était humaine, si elle était réelle ou simple réminiscence de celle de son cauchemar.
    Il fallait qu’elle vérifie ce que sa confusion l’empêchait de comprendre. Elle pivota lentement pour s’asseoir au bord du lit et, se cramponnant aux rideaux du baldaquin qu’on avait relevés et noués, s’en arracha dans un effort surhumain.
    La silhouette prostrée se leva de même, mais elle s’effondra. Sous son ventre, sa joue et ses doigts, les fibres douces du tapis de cachemire la caressèrent. Elle en respira l’odeur d’oranger et de cannelle. De cela, elle se souvenait. Elle sourit à l’homme qui se penchait pour la ramasser et l’enlever dans ses bras.
    — Mathieu, dit-elle, tu es Mathieu Dumas.
    Ensuite, tout lui échappa. Il faisait froid. Partout. Elle grelotta et s’abandonna.
     
    Baletti déposa Mary dans la pièce interdite, sur le sofa où il dormait à présent, face au crâne de cristal. Elle était de nouveau inconsciente, son éclair de lucidité prouvait cependant que la fièvre était en train de baisser. Le fait qu’elle se soit levée pour se rapprocher de lui l’avait fait réagir, le sortant de son déchirement. Il ignorait toujours qui était Mary Read et comment elle se trouvait en possession de l’œil de jade d’Emma de Mortefontaine, une chose cependant était évidente, désormais. Ce n’était pas lui que Mary convoitait, mais le crâne. Celui-ci et une vengeance sans nom. Ou plutôt si, associée à ce nom qu’elle répétait sans cesse : Niklaus.
    Baletti retourna quérir ses huiles et ses potions pour la soigner, et récupérer l’œil de jade qu’il avait laissé choir en voyant Mary s’effondrer.
    Quand il revint vers elle, elle n’avait pas bougé mais semblait plus sereine. Comme un moment avant, en prononçant son prénom, elle souriait. Il y avait longtemps qu’on ne l’avait pas appelé ainsi. Pour tous, à Venise, il était le marquis de Baletti. Mary avait-elle arraché ce secret à Emma avant de la tuer ? Emma s’était-elle débarrassée de Niklaus ? Tout cela n’avait pas d’importance. Il aurait donné sa vie sur l’instant s’il avait pu la guérir.
    Il s’approcha et caressa l’ovale parfait du crâne de cristal.
    — Sauve-la, supplia-t-il. Juste cette fois.
    Il s’installa aux côtés de Mary après avoir écarté les tentures de telle manière que la réflexion de la lumière traversant les orbites creuses du crâne enveloppe le sofa.
    Un prisme de couleurs se mit à danser sur le corps en sueur de Mary, faisant d’elle tout entière la plus belle aurore qui soit. Il s’agenouilla à ses côtés, en silence.
    Une longue attente commença.
     
    *
     
    Claude de Forbin était enragé. Il aurait pourtant dû éprouver du plaisir à découvrir La Perle qui patientait à Ancône. Il en rêvait depuis des mois. Au lieu de cela, il n’avait envie que de vengeance. Contre ce Cork, contre ces Vénitiens crédules, contre Baletti et l’ambassadeur, contre les Impériaux.
    Abandonnant ses deux navires aux réparations, il s’était aussitôt embarqué sur La Perle avec son commandement. Furieux, il s’était mis à arraisonner, piller et brûler les navires

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