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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Cork est aussi honnête qu’ils le prétendent, il va falloir qu’il le prouve ! Parce que moi, Claude, chevalier de Forbin, oui, moi vivant, jamais le fils de Mary Read ne sera élevé comme un pirate !
    Il se précipita sur son écritoire pour dicter ses exigences à celle-ci. Puis, son humeur apaisée, il vida d’un trait une bouteille de rhum à la santé de Corneille, jurant tous les tonnerres de Dieu qu’il ne méritait pas d’avoir sauvé Junior de l’esclavage si c’était pour que lui le laisse pendre au bout d’une corde comme un vulgaire bandit !
    — Je te dois bien ça, conclut-il en levant son verre à son souvenir. Repose en paix, Corneille. Mais que le diable t’emporte si, au seuil de la mort, tu m’as une nouvelle fois trahi !
    Sa solitude lui pesa soudain comme s’il avait eu le monde à porter.
     
    *
     
    Mary écoutait d’une oreille discrète s’égrener les accords du violon. Baletti jouait une barcarolle et la mélodie en était agréable. Elle avait le corps en paix, se sentait parfaitement remise de sa maladie et plus proche de lui qu’elle ne l’avait jamais été. Elle brûlait de récupérer Junior, ressentant plus que jamais son absence, mais elle s’était rangée aux arguments de Cork. Tant que cette affaire n’était pas achevée, il valait mieux ne pas l’exposer. Elle n’aurait pas supporté de le perdre, même si elle se passait de lui depuis dix-huit mois. Il était présent en elle à chaque instant. Elle savait bien pourtant que cette contradiction était ambiguë. Avant de le confier à Forbin, elle n’aurait pas imaginé s’en séparer plus de quelques minutes.
    Bien sûr, il lui aurait été impossible d’approcher Baletti comme elle l’avait fait si elle avait gardé Junior à ses côtés, bien sûr qu’il était mieux en mer. Mais, aujourd’hui, qu’est-ce qui l’empêchait de quitter Venise pour Pantelleria et d’attendre auprès de lui que l’heure de sa vengeance sonne enfin ?
    Rien. Rien d’avouable. Rien qui ne lui fasse mal. Elle sentait bien qu’elle se mentait à elle-même. Revoir Junior, c’était vivre au quotidien avec le souvenir d’Ann. Mary n’oublierait pas Niklaus, mais, avec du temps et de la patience, elle pensait pouvoir appartenir totalement à Baletti. Personne jamais ne remplacerait sa fille. Elle ferma les yeux. C’était là, sans doute, en entendant George lui révéler qu’Emma s’était débarrassée de sa captive, que quelque chose s’était brisé.
    Elle avait préféré quitter Junior plutôt qu’on ne le lui arrache aussi. Se sevrer de lui pour s’en détacher doucement. Fuir cette dépendance. Elle rêvait d’une chose autant que de son contraire, avait peur de ne plus le revoir et tout autant de le retrouver différent. Peur de ne plus savoir quoi lui dire, comment l’aborder, l’embrasser, l’étreindre. Dix-huit mois étaient passés. C’était presque le tiers d’une vie à l’âge de Junior. Leur complicité ne serait plus la même, leurs échanges non plus. Supporte-rait-elle ce fossé qui s’était creusé entre eux ? Elle en était responsable. Bien sûr, elle était et serait toujours sa mère. Bien sûr, il savait pourquoi elle s’en était détournée, bien sûr, il comprenait, Corneille le lui avait assuré la veille, mais il restait l’absence. On ne comble pas l’absence avec des mots. Elle le savait. Ils ne pourraient l’un et l’autre faire comme si deux jours s’étaient écoulés.
    — Tu t’inquiètes pour rien, Mary, avait déclaré Corneille. Junior te ressemble, il est tout ce que tu es et plus encore. Fais confiance à ton instinct de mère.
    Mais cet instinct de mère justement, Mary craignait de l’avoir perdu pour mieux se protéger. De cela, elle n’avait pas parlé. Mais elle savait bien que c’était dans l’espoir de le voir renaître en elle qu’elle repoussait l’heure des retrouvailles, pour que Junior ne s’aperçoive pas que, peut-être sans le savoir et le vouloir vraiment, une partie d’elle l’avait renié. Cette partie d’elle qui avait enterré Breda pour ne pas en mourir.
    La barcarolle de Baletti s’interrompit. Pietro venait d’entrer, portant le courrier du jour sur un plateau. Mary se leva pour le récupérer. Comme toujours s’y trouvaient une quinzaine d’invitations pour des mondanités.
    — Voulez-vous une tasse de chocolat, Madame Mary ? demanda le serviteur, affable.
    — Avec plaisir, Pietro.
    Ne disait-on pas

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