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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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que ce breuvage chassait les tourments, adoucissait l’ennui ? Elle en avait bien besoin.
    — Je vous sers aussi, Monsieur ?
    Baletti hocha la tête et, après avoir posé violon et archet sur une table basse, récupéra les lettres que Mary lui tendait. Elle décacheta fébrilement une missive, et blanchit aussitôt à sa lecture.
    — Forbin ? s’enquit le marquis, qui avait négligé les siennes après un coup d’œil rapide.
    Mary ne répondit pas directement, se contentant de la parcourir à haute voix.
    —  Ton billet m’afflige, Mary. Douterais-tu de mon affection pour préférer Junior entre les mains d’un bandit plutôt que sous ma protection ? N’est-elle aujourd’hui plus rien à tes yeux pour que, les tournant vers un autre, tu oses ainsi la bafouer et me priver du seul bonheur qu’il me reste ? Faut-il que tu sois ingrate pour me signifier ainsi mon congé. Certes, j’ai commis l’erreur, impardonnable et insupportable, de n’avoir pas su mettre Junior en sécurité, mais ce Cork auquel tu le confies a beau dire et parader, il en est davantage responsable que je ne le suis. Sans son intervention, Junior et Corneille ne m’auraient pas quitté.
    « Libre à toi de faire confiance à cet individu, si tu le juges mieux que moi, libre à toi aussi d’en aimer un autre. Je t’ai perdue une fois déjà. Je survivrai à cela. Mais je ne permettrai pas que Junior soit l’otage de leur loi. Je ne permettrai pas que l’éducation dont tu m’as délégué la charge ces deux années durant soit pervertie dans un repaire de pirates. J’ignore quels sont tes projets avec le marquis, mais tu avais de l’honneur, Mary Read.
     
    La voix de Mary se brisa, mais elle se força à poursuivre.
     
    —  Oui, tu avais de l’honneur autrefois. J’espère qu’il t’en reste assez pour accomplir la justice que ton bras réclamait. J’espère que tu n’es pas corrompue par ces gens au point d’en avoir oublié Emma et le mal dont, tôt ou tard encore, elle te persécutera. Quand je ne serai plus pour toi qu’un souvenir, je n’en demeurerai pas moins ton ami. Tel que tu me trouvas lorsque tu me cherchas après Breda. Un ami qui te perdrait s’il t’abandonnait à ceux-là.
    « S’ils te chérissent autant que tu veux le croire, alors ils entendront ma voix. S’ils sont honnêtes et sincères, alors ils se rallieront à moi. Et j’accepterai de m’écarter d’eux jusqu’à ce que tu viennes, libre et seule, me délivrer du serment que je t’ai fait de m’occuper de Junior en ton absence. Jusque-là, j’exige que ton fils reste sous ma seule protection à bord de La Perle. Et que Cork lui-même vienne me le ramener pour que j’entende les preuves qu’il voudra me donner de son innocence. S’il refuse, alors j’imaginerai que tu es contrainte et Junior de même. Dussé-je m’allier aux Impériaux et raser toutes les îles vénitiennes, lui et ses pirates n’en réchapperont pas. Aucun roi, Mary Read, ne m’en empêchera. Aucun roi, acheva-t-elle dans un souffle.
    — Il semble que Claude de Forbin t’aime autant que moi, déplora Baletti.
    Mary hocha la tête. Il lui fournissait là la plus belle preuve qui soit.
    — Qu’allons-nous faire ? demanda-t-elle finalement.
    — Ce qu’il veut. Junior sera plus heureux sur La Perle qu’à Pantelleria. S’il est aussi épris de large que le prétend Corneille, il doit déjà s’ennuyer sur la terre ferme.
    — Tôt ou tard, il me faudra pourtant le lui reprendre, objecta Mary.
    Baletti se leva et l’enlaça.
    — Ce jour-là tu le feras, Mary Read, et il comprendra. Aujourd’hui, c’est moi qui peux comprendre Claude de Forbin. Sans doute aurais-je agi de la même façon si j’avais craint pour toi.
    — Et si Cork refuse ?
    — Cork n’a aucune raison de le faire. Il est grand temps que ces deux-là s’affrontent. Et puis Forbin me sera utile pour faire taire définitivement Hennequin de Charmont. Quant à Emma, ne t’inquiète pas, des hommes à moi surveillent sa résidence à Venise. Si elle y venait, je le saurais dans les minutes qui suivent. Auprès de moi tu ne risques rien. Réglons cela, mon amour. Ensuite, plus rien ne t’atteindra.
    — Tu as raison, reconnut-elle en nichant sa tête au creux de son épaule. Mais Corneille va être furieux de ce marché.
    — Il se calmera. Il le faudra bien, Mary. Je ne te partagerai pas, ajouta-t-il en cherchant ses lèvres avec tendresse.
    Mary s’abandonna

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