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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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première fois. Tu te souviens ?
    Elle hocha la tête.
    — Niklaus ne voulait pas que je t’écrive, que je reprenne contact avec toi, dit-elle.
    L’espace d’un instant, l’image furtive de Niklaus l’entraînant dans la grange s’était superposée à celle évoquée par Corneille. C’était le jour du départ de Vanderluck et de son épouse, et elle s’était fait la même réflexion.
    Corneille s’écarta d’elle pour qu’elle glisse sur le dos. Il s’appuya sur son moignon et se pencha au-dessus d’elle, fouillant son regard. Il n’y retrouva pas la douleur qu’il y avait lue à Toulon.
    — Niklaus était jaloux de notre complicité. J’ai envoyé cette lettre sans le lui dire, poursuivit Mary.
    — Pourquoi l’as-tu fait, si tu l’aimais autant que cela ?
    — Je n’en sais rien. Mais tu as raison. Je n’ai jamais aimé quelqu’un autant que lui.
    Elle soupira.
    — Il me faudra toujours vivre avec cette trahison, Corneille. Cette trahison qui lui a coûté la vie et m’a enlevé Ann. Entre toi et moi, il y aura toujours cela.
    — Voilà pourquoi tu t’es laissé séduire par Baletti, comprit Corneille.
    — Peut-être. Peut-être pas. Je sais que tu ne l’aimes pas, mais il est exceptionnel. Il compte beaucoup pour moi.
    Corneille se pencha sur ses lèvres et s’attarda un instant à la sentir frémir à l’idée d’un baiser. Il le suspendit et se redressa, se satisfaisant de la frustration fulgurante et furtive de son regard.
    — Je t’ai déjà vue habillée de noblesse, Mary Read. Même si je dois admettre que cette fois tu la portes avec sérénité et éclat, il n’empêche que je te connais bien.
    — Le temps a passé, dit-elle pour s’en défendre.
    Il caressa son visage d’un doigt léger.
    — Mais tu n’as pas changé, Mary. Lorsque tu nous visites, c’est vêtue en homme.
    — C’est plus pratique et discret.
    — Allons donc, se moqua Corneille. Tu t’es mariée avec ton Flamand, tu lui as fait des enfants, mais tu m’as écrit. Si tu ne sais pas pourquoi, moi, je le sais.
    — Comment le saurais-tu ? se troubla-t-elle, vacillant sur ses certitudes.
    — Ce parfum que tu cherchais sur ma peau tout à l’heure, ces larmes que ton plaisir m’a offertes, cette lettre qui réclamait mon aide portent le même nom. Quelle que soit l’envie qui t’entraîne, elle a un goût d’océan. Et junior est comme toi. Là sont ta place, la sienne et la mienne. Leurre-toi encore une fois auprès de Baletti, ce n’est qu’une trêve pour ton âme en souffrance. Tôt ou tard, comme avec Niklaus, et plus vite encore, tu t’en lasseras.
    Elle détourna la tête. Il avait raison. Niklaus lui-même l’avait compris, qui lui avait accordé de repartir à l’aventure.
    — Baletti te tient par son raffinement, par ces richesses que tu convoitais, par le souvenir de Cecily qui demeure au fond de toi. Il te tient par ce qu’il est d’altruisme et de lumière, par cette quête fabuleuse qui met le monde à ta portée et donne un sens à ta vie.
    — C’est vrai, admit-elle. Et cela perdurera.
    — Je ne crois pas. Tu t’es laissé séduire hier dans l’idée de ta vengeance et de ce trésor, tu t’es laissé apprivoiser aujourd’hui en ne songeant qu’à l’instant où avec lui tu défieras l’océan pour atteindre ces deux buts, enfin. Ce sont eux qui te portent, princesse. Mais qu’adviendra-t-il après ? Lorsque Baletti aura trouvé ses réponses et qu’il te ramènera à Venise pour se pavaner de salon en salon ? Qu’adviendra-t-il de Mary Read et de Junior ? Tu vieilliras sans âme et ton fils te quittera pour devenir marin auprès de moi. A moins que tu ne fuies encore une fois avec lui, avec moi. Parce que la seule richesse dont tu as besoin, c’est cette liberté qui coule en toi. Cette liberté que je représente et dont jamais, jamais, tu m’entends, tu ne guériras.
    Il fit pivoter ce visage qui s’obstinait à fixer le mur en face et de son doigt essuya une larme sur sa tempe.
    — Epouse Baletti, murmura Corneille en déposant le sel de ses yeux sur ses lèvres tremblantes. Épouse-le, mais ne me renie pas.
    Il fit glisser ses doigts le long de sa gorge palpitante et jusqu’à l’échancrure de ses cuisses. Lorsqu’il l’en pénétra et l’embrassa, c’est une lame de fond qui la submergea. Il s’écarta d’elle pour s’accorder à son souffle brûlant.
    — Personne, Mary Read, aujourd’hui comme hier, personne

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