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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vous mais…
    — Je m’en contenterai, assura Emma. Amenez-moi Boldoni. Mais ne lui dites rien.
    — M’expliquerez-vous ?
    — Bientôt, promit-elle. Faites-moi conduire, monsieur. Je suis lasse.
    Il s’abaissa à une courbette qu’Emma jugea grotesque, et s’obligea à l’accompagner auprès d’un gondolier.
    Emma de Mortefontaine masqua son visage en sortant de l’hôtel particulier et, aidée de Gabriel, embarqua sans plus tarder.
     
    *
     
    La missive était brève :
    Monsieur. Rejoignez-moi à cette adresse. J’ai à vous entretenir de toute urgence d’une affaire privée.
    Boldoni ne perdit pas de temps, conscient qu’Hennequin de Charmont ne se donnerait pas la peine d’autant de prudence si elle n’était pas justifiée.
    Depuis l’affaire de Potrée, Cork demeurait introuvable, malgré la somme indécente qu’il avait offerte pour sa capture. Les attaques de Forbin se faisaient plus précises et virulentes. Pour la première fois, son nom à lui avait été cité dans une de ses lettres à l’ambassadeur, les obligeant à cesser leurs activités. L’étau se resserrait autour d’eux. Charmont et lui évitaient soigneusement de se rencontrer pour ne pas donner matière aux rumeurs. Il suffisait d’un rien, désormais, pour que le scandale éclate. Boldoni aurait pu fuir, mais cela aurait signé sa culpabilité. Il se bornait donc, pour l’heure, à éliminer scrupuleusement toutes les preuves qui pouvaient encore subsister, afin que l’ambassadeur soit seul accusé lorsque le couperet tomberait.
    Il débarqua discrètement à l’adresse indiquée et se fit introduire auprès de l’ambassadeur. On le conduisit dans un petit salon où une cheminée dispensait une douce chaleur. Il s’immobilisa sur le seuil, étonné autant que subjugué.
    — Vous ? lâcha-t-il en découvrant Emma qui l’attendait.
    Emma se délassait, assise à même un tapis épais devant l’âtre crépitant. Elle était plus sublime que jamais. Il la devina nue sous la mante noire qui couvrait ses épaules et s’attarda sur ce mollet et ce pied blanc qui s’en échappaient joliment.
    — Venez-vous asseoir à mes côtés, méchant garçon, exigea-t-elle dans une moue boudeuse.
    — J’en déduis, madame, que vous avez reçu mon billet, déclara-t-il en s’empressant de se rendre à son souhait, la gorge nouée par un désir fulgurant.
    Les cheveux blonds d’Emma, épars sur ses épaules, lui donnaient des allures de madone, contrastant avec la noirceur de ce vêtement sommaire.
    — En effet. J’en ai été contrariée. Fortement contrariée, ajouta-t-elle. Mais pas pour les raisons que vous imaginez.
    Emma lui tendit sa main à baiser, dénudant dans ce mouvement banal, et jusqu’à mi-cuisse, ses jambes repliées sur le côté. Boldoni arrêta ses lèvres dans le creux du poignet que spontanément il avait retourné dans sa paume. Emma se mordit la lèvre, et s’amusa de la concupiscence de ce regard sur ses genoux. Elle les fit coulisser l’un sur l’autre dans un frémissement sensuel tout en retirant ses doigts de ceux de Boldoni.
    — Cette espionne dont vous me parlez, chargée de vous remplacer, êtes-vous certain de son identité ? demanda-t-elle d’une voix rauque.
    — Elle se fait toujours appeler Maria Contini, mais Baletti l’a fait réagir au nom de Mary Read.
    Une bouffée de colère emplit Emma. De colère et de plaisir mêlés. Mary était enfin à sa portée.
    — Racontez-moi, dit-elle à Boldoni en jouant avec le lien qui refermait les pans de sa cape. Je veux tout savoir d’elle, de lui, d’eux. Tout, vous entendez ?
    — Ce n’est donc pas vous qui l’avez envoyée ? s’étonna Boldoni.
    — Je vous avais promis récompense si vous me serviez, murmura Emma. Je tiens toujours mes promesses. Mary Read est mon pire cauchemar.
    — Il fut le mien, avoua Boldoni, amer.
    Emma tira délicatement sur le lacet. Les pans de sa mante s’écartèrent légèrement, révélant une ligne laiteuse qui enflamma définitivement les sens de Boldoni. Il avança une caresse sur la cheville d’Emma, remonta à son genou. Elle l’y arrêta.
    — C’était un acompte, susurra-t-elle. Le reste viendra. Après.
    Boldoni s’empressa de tout lui raconter.
    Il repartit au petit jour, enchanté de la confiance de sa maîtresse tout autant que de leurs étreintes.
    — Tant pis pour toi, Maria, chuchota-t-il à la brise qui le ramenait vers Venise, tu n’aurais jamais dû me

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